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Le JPB > Sujet à la une 2008-04-26
Les années sombres du GAL
Les séances de l’avant-première du film GAL ont faitsalle comble, à Saint-Jean-de-Luz. Signe que cette affaire est encore vivante dans la mémoire des habitants locaux

La sortie du film GAL a été suivie de près par les médias locaux. Au-delà d’une communication bien calculée, ce film ouvre de nouveau des plaies, et ne laisse personne indifférent. Il rappelle une époque sombre du Pays Basque Nord. L’acteur principal, José Garcia le confirme: "le film est intéressant d’un point de vue historique".

Au début des années 80, les Groupes Antiterroristes de Libération agissaient en territoire français dans le but de neutraliser les membres de l’organisation armée ETA. Le GAL a fait 27 morts, mais il n’a pas été le seul à avoir tué des militants, parfois, pris au hasard. Triple A et Bataillon Vasco Español sont deux autres organisations qui ont agi contre les militants basques. Le GAL est la dernière trace de cette guerre sale impulsée par l’Etat espagnol avec la complicité de l’Etat français.

Effectivement, les actions menées par ce groupe de mercenaires se sont déroulées à Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye, Baigorri, ou encore Mauléon. Le premier a frappé Bayonne. En octobre1983, deux réfugiés basques, J.I. Zabala "Joxi" et J.A. Lasa "Joxean" disparaissent. C'est le début d’un chapelet de disparitions, attentats et assassinats. Plusieurs entreprises sont également la cible d’incendies criminels. Urkide d'Hendaye, la coopérative Denek d’Arrosa, Collectivité Service de Bayonne, la coopérative Alki d’Itsasu sont touchées en 1984.

Inquiétude des habitants

Les murs des bars des Pyrénées, Kaiet-Enea et Monbar de Bayonne, celui de la Consolation de Saint-Jean-de-Luz sont des témoins parmi d’autre, de cette époque de terreur. Les militants fuyant le territoire espagnol ont l’habitude de s’y retrouver. Dans ces milieux, la suspicion est pesante. Auprès des habitants des provinces du Nord l’inquiétude est grande. Des manifestations sont organisées, mais pas un seul responsable politique local ne se joint à la dénonciation. Jakes Bortayrou de l’association Oroit eta Sala se souvient du changement de discours de Jean-Pierre Destrade (élu PS) survenu d’une semaine à l’autre. Il avait commencé par dénoncer ces actes, puis avait fini par mettre sur le dos des réfugiés cet épisode meurtrier. "Nous avions des présomptions sur l’implication des responsables de l’Administration française, mais on n’avait pas assez de preuve", raconte Bortayrou.

En octobre1987, sur ordre du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, une grande rafle contre les réfugiés basques se déroule: 120 appartements perquisitionnés, une centaine d’arrestations, une soixantaine d’expulsions vers l’Espagne, 12 expulsions vers l’Algérie, trois vers le Venezuela. C’est le début des expulsions de militants basques vers l’Espagne; le GAL disparaît. Depuis, aucun responsable de l’Administration française n’a dû répondre de crimes survenus sur leur territoire. Certains responsables espagnols ont été jugés; pas le principal responsable. "On ne peut pas imaginer qu’à ce niveau d’implication tout cela ait pu s’organiser sans que [Felipe Gonzalez] soit au courant", affirme J.Garcia. Il ajoute : "GAL peut se reproduire dans toute démocratie".

Six caméras, le son triplé de la déflagration, utilisation du ralenti, piano cadencé et notes basses très sourdes, pas un plan sur le visage de la victime: la première explosion d’une voiture piégée signe la position du réalisateur vis-à-vis de la mort qui frappe, à l’oeuvre dans le film GAL... Les dix premières minutes d’introduction contiennent les choix esthétiques retenus par M.Courtois: favoriser le spectaculaire, et se maintenir à distance de l’intime. Dans ce projet, le réalisateur avait à prendre en charge un double impératif: d’une part, retranscrire la véracité des faits; et d’autre part, conférer à cette fiction un aspect spectaculaire compatible avec l’envie d’un film populaire et avec un budget important de 6millions d’euros.

Un train passe au moment de l’arrestation d’un "Galeux"; des vagues s’écrasent contre un muret lors du rendez-vous entre les journalistes et leur source; dans chaque scène, une personne, un objet ou une voiture passe sans arrêt au premier plan du cadre, interférant avec les personnages. Tandis que le c¦ur du récit, c’est-à-dire les confidences, les révélations, les rendez-vous avec des personnes impliquées, est placé géométriquement au second plan du cadre. Une manière de privilégier la séduction de la quête (l’affiche du film revendique une filiation avec Les hommes du Président de Pakula en 1976). Mais aussi le choix de ne pas nous confronter frontalement à l’accusation portée par le film.

Le couple de journalistes timidement attirés l’un vers l’autre et les odieux "Galeux" se vautrant dans la luxure des casinos et des prostituées: la figure de l’ange et du démon est établie. Le film refuse pour autant de poser cette problématique du bien et du mal sur la figure de la victime. Les cibles recherchées par le GAL (l’etarra, le militant basque) restent dans le même hors-champ que d’autres victimes que différencie le réalisateur: "Je parle des victimes innocentes, pas des terroristes basques espagnols qui ont été pris au piège". Une distinction qui surprend lorsque le message du film se veut une charge contre des pratiques injustifiables.

Si l’analyse de la forme choisie par M.Courtois prête à discussion, le carton qui ouvre le film a, lui, par contre, le mérite de la clarté: "Tandis qu’ils assassinent des centaines de personnes, les etarra sont considérés comme des réfugiés politiques en France". Une déclaration de principe pour le moins singulière, dont les contours ne seront plus abordés par la suite, terreau politique retenu comme plausible pour les exactions du GAL. A l’évidence, ce film produit par le journal El Mundo privilégie nettement plus un angle d’attaque contre le PSOE impliqué dans cette affaire que la dimension humaine des actes du GAL. Revoir une histoire comparable, Hidden Agenda en 1991, où l’esthétique était reléguée au profit d’une mise en image très réaliste: sans enlever sa liberté de création à Miguel Courtois, toute comparaison avec un Ken Loach serait malvenue...



«Le film a le mérite d’exister»
Il attendait avec impatience la sortie de GAL, le film réalisé par Miguel Courtois. Très médiatisé, le film qui parle de cette époque très violente qui a surtout touché le Pays Basque nord est sortie cette semaine. Jakes Bortayrou, membre de l’association pour la divulgation de l’information sur le GAL Oroit eta Sala, réagit.

Ce film peut-il faire ¦uvre de mémoire?

Je lui reconnais la vertu d'exister, de permettre vingt ans après de reparler de ces choses. Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire, il suit fidèlement le déroulement des faits. Il pouvait y avoir 10 fils conducteurs, historique, politique, le réalisateur a choisi un angle d'attaque légitime, celui du déroulement de l'enquête journalistique. C'est cette porte d'entrée qui fera que deux policiers espagnols vont être inculpés puis incarcérés. Sept ans plus tard, en 1994, se sentant les dindons de la farce, ils vont se mettre à table, et de fil en aiguille, révéler l'ampleur de l'opération GAL: à quelques éléments près, le film est donc le déroulé objectif des faits. Cette fiction ne trahit globalement pas cette histoire, celle d'un gouvernement socialiste espagnol qui, au c¦ur de l'Europe et des années 80, choisit d'utiliser la guerre sale pour lutter contre une organisation qu'il n'arrive pas à réduire à néant par les moyens policiers et juridiques légaux. Ce n'est ni un docu-fiction ni encore moins un documentaire: il faut accepter une certaine liberté au cinéaste, à la différence d’El Lobo (son film précédent) où il mélangeait les époques et où sa mise en scène posait des problèmes politiques de fond inacceptables. Ce n'est pas un film sur le GAL, c'est un film sur une enquête journalistique sur l'époque du GAL...

Que pensez-vous du parti pris du réalisateur de ne pas traiter le côté français de cette affaire?

Il manque effectivement des aspects de cette affaire: la douleur des proches des victimes, l'implication de policiers français n'est pas évoquée, ni, pour le moins, la passivité du monde politique français... Il y aura eu beaucoup de présomptions mais les preuves n’ont pas pu être trouvées. Même si les mercenaires inculpés ont décrit des schémas de complicité entre les deux polices. Les enjeux de l’Etat français n'étant pas équivalents, cela n'a pas favorisé la mobilisation de médias nationaux majeurs sur le GAL. Même si des médias locaux ont passé un temps très important pour sortir les aspects français de cette affaire... Et beaucoup de procédures contre des responsables de l’autorité française se sont retournées en diffamation, malgré les révélations des principaux protagonistes espagnols en 1994 ou les pistes ouvertes en 2001 par le documentaire de Mc Caig, "Terreur d’état au Pays Basque". Mais tout cela ne peut pas être traité en trois scènes dans ce film-ci.

Courtois estime que son film est plus polémique de son précédent, sur l’ETA?

A mon avis, ce film ne va plus déranger en France qu’en Espagne, parce qu'il remet en images que ce qui est officiellement connu, et reconnu aujourd'hui, rien de plus... Le film a le mérite de prouver que tout n'est pas complètement oublié, mais le cinéma n'est pas en mesure de résoudre un conflit ou d'apaiser la souffrance vécue. A la limite, ce que je dirais, c'est que la polémique ne peut pas exister car la situation a complètement changé: aujourd'hui, ce qui se faisait par le biais du GAL est devenu la norme. Ça ne choque personne qu'Israël aille tuer un par un les dirigeants du Hamas, ou que les Américains aillent arrêter et torturer des militants islamiques. En vingt ans, on a changé d'époque, pour le pire à ce niveau-là... Une fois que le film sera projeté, et rangé dans un tiroir, que se passera-t-il? On s'est battus bec et ongles pour faire éclater la vérité, certains médias s'y intéressent en ce moment... C’est tant mieux: je n'espérais même plus que cela ressorte un jour...



"Le film ne dépasse pas les faits connus, on ne retrouve pas l’ambiance de suspicion"
Clément Soulé, l’ancien tenancier du Café des Pyrénées, a assisté à l’assassinat d’une personne dans son bar. Daniel Velez était à l’époque photographe à Sud-Ouest. Ces jours-ci, il présente une exposition itinérante qui n’a pas été acceptée au cinéma Rex. Tous deux réagissent à la sortie du cinéma.

Quel est votre ressenti par rapport au film, à chaud ?

C. Clément : J’ai vraiment beaucoup aimé le film, fort et violent dans la lignée de Z de Costa Gavras. On y ressent fortement l’impunité des "galeux".

D. Velez : C’est un bon film de fiction dans les limites du genre : s’il avait fait un documentaire on aurait par contre été très agacés par l’absence d’implication française dans le récit.

Quels éléments de l’affaire vous ont manqué dans le film ?

C.S.: Je regrette vraiment que l’ambiance du quartier de l’époque n’ait pas été restituée, lorsque nous savions que les attentats se produiraient de cinq heures du soir jusqu’au dernier train à Bayonne pour l’Espagne, à 9 heures et demie.

D.V. : Le film ne dépasse pas les faits connus à l’époque, on ne retrouve pas l’ambiance de suspicion qui caractérisait le quartier.

Qu’apporte finalement le film à cette histoire ?

C.S. : Je suis impressionné par ce devoir de Justice et de démocratie en Espagne, un message qui s’adresse à tous ceux qui encore aujourd’hui ont soif de vérité.

D.V. : Ce fil aura permis la ressortie des photos que j’ai prises à l’époque. Je regrette juste une chose : 80% de la population locale ne connaissait pas les ramifications souterraines de cette histoire ils n’en sauront pas plus aujourd’hui.


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