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Le JPB > Sujet à la une 2006-06-14
Emeutes catholiques en Pays Basque 100 ans après
·La société d’études basques reviendra samedi sur ces faits qui ont marqué le XXe siècle jusqu’à nos jours

Le 9 décembre 1905, après de nombreux débats à la Chambre des Députés et au Sénat français, était adoptée la loi de Séparation des Églises et de l’État, conçue, pour les uns, comme un instrument de sécularisation définitive de l’Etat, et considérée par d’autres comme un instrument de persécution de l’Eglise catholique au premier chef. Ce vote marquait l’achèvement d’une politique de laïcisation menée en France depuis les années 1880.

La loi de 1905 mettait fin au régime concordataire, établi en 1801 par Napoléon Bonaparte et la papauté. Selon le Concordat, les membres des Églises catholiques, protestantes et israélites étaient payés par l’État et les nominations, bilatérales ; par ailleurs, le catéchisme était enseigné à l’école. Les édifices du culte, propriétés de l’État et des communes étaient mis à la disposition des Églises qui, par l’intermédiaire des fabriques catholiques ou des conseils presbytéraux en assuraient la gestion.

Pourtant, l’opposition entre les républicains et l’Église catholique s’était amplifiée tout au long du XIXème siècle : la République reprochait à l’institution de maintenir les populations dans l’obscurantisme et de vouloir le retour de la monarchie. La fin du siècle fut une période de sécularisation accélérée par le vote de plusieurs lois (laïcité de l’école en 1882, retrait des insignes religieux dans les écoles publiques et les tribunaux dès 1883, associations en 1901, dissolution des congrégations enseignantes en 1904)... Le Ralliement au régime républicain de l’Église, sous le pontificat de Léon XIII, à partir de 1890, vint momentanément apaiser les tensions. Cependant, l’affaire Dreyfus, qui éclata en 1898, révéla le soutien massif de la société catholique (prêtres, presse, fidèles...) aux forces conservatrices et ranima le combat.

Les élections de 1902 portèrent au pouvoir le Bloc des Gauches : le président du Conseil Émile Combes fit de la lutte contre l’Église catholique et le cléricalisme une de ses priorités. Le conflit né de cette crise secoua gravement la société française du début du XXème siècle.

Colloque à Ustaritz

Eusko Ikaskuntza, société d’études basques, propose de revenir sur ces faits qui marquèrent le début des années 1900 et une bonne partie du siècle jusqu’à nos jours, samedi prochain à la salle Lapurdi d’Ustaritz.

La loi de 1905 affirme la neutralité de l’État. Elle assure que la République garantit "la liberté des cultes" mais ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne plus aucun d’entre eux. Des indemnités et pensions sont cependant promises aux ministres des cultes. La croyance en Dieu, l’appartenance confessionnelle et l’exercice des cultes sont dorénavant réservés à la sphère privée, de même que l’enseignement religieux, dispensé pour les élèves de l’école publique en dehors des heures de classe. Les sonneries des cloches, les cérémonies, les processions et autres manifestations extérieures des cultes deviennent soumises à l’accord des autorités locales, maires ou préfets. En conséquence de cette loi, on verra la création d’associations culturelles, mieux contrôlées par l’État.

Les biens immobiliers et mobiliers gérés auparavant par l’Eglise devaient être inventoriés ; les agents de l’administration des domaines furent chargés des opérations. C’est autour de ces inventaires, perçus par l’Église comme une mesure de suspicion et de spoliation, que se noua l’affrontement entre le gouvernement et sa majorité parlementaire, et les forces catholiques. En effet, les premiers inventaires, en février 1906, coïncidèrent avec la condamnation de la Séparation par l’encyclique Vehementer nos du Pape Pie X.

Ainsi, après les différents heurts engendrés par l’application de cette loi du 9 décembre 1905, une nouvelle organisation se met en place, avec notamment la création d’associations cultuelles, dépendantes de l'Evêché et constituées par les fidèles, afin de gérer les églises et les biens qui permettent le culte.

Pays Basque en tête

La géographie de la résistance aux opérations recoupe la géographie religieuse et conservatrice de l’Hexagone du début du XXème siècle. Ainsi, les incidents les plus graves, mués souvent en véritables émeutes, éclatèrent dans l’Ouest (Normandie, Bretagne, Pays de Loire), sur un vaste arc au nord de Paris (Picardie, Artois, Flandre, Champagne, Lorraine) et dans la capitale elle-même ; enfin au Sud, du Pays Basque aux marges méridionales du Massif Central. Les provinces basques furent ainsi, parmi d’autres, le théâtre d’une résistance vive, parfois violente, aux inventaires.

Le Pays Basque nord se caractérise, en 1905, par une très forte pratique religieuse et par un comportement électoral très conservateur. Depuis la période révolutionnaire, et les années 1793-1794 en particulier, le Pays Basque intérieur était réfractaire à la politique de sécularisation et à l’idée républicaine même.

En 1889 par exemple, plusieurs prêtres basques furent suspendus par le gouvernement pour leur intervention dans le débat politique et l’évêché de Bayonne laissé sans titulaire entre août 1889 et mars 1890. Au début du XXème siècle encore, la longue vacance du siège, entre les épiscopats de Mgr François Jauffret (de 1890 à 1902) et de Mgr François-Jules Gieure (de 1906 à 1933), est le signe évident des rapports difficiles entre l’Église basque et le gouvernement. Les inventaires concernèrent aussi les synagogues, comme celle de Bayonne, et les temples protestants, par exemple de la région orthézienne.

Le Procès-verbal, dressé par le receveur des domaines à Bidache et délégué à l’inventaire du mobilier de l’église de Bardos, consignant les protestations du curé et de deux cents paroissiens le 5 février 1906 est l’un des témoignages qui a traversé le temps. La polémique autour de l’inventaire à la synagogue du quartier Saint-Esprit à Bayonne ou la protestation adressée par le curé et le bureau de fabrique de l’église de Saint-Jean-le-Vieux au précepteur des Basses-Pyrénées 9 mars 1906 également (voir par ailleurs).

Plusieurs de ces émeutes seront évoquées lors du colloque prévu samedi. Lors de la présentation de la journée, Jean-Claude Larronde et Xipri Arbelbide ont rappelé les émeutes qui ont eu lieu à Bayonne, ou l’armée française avait été appelée en renfort. Plusieurs personnes seront interpellées, dont deux réfugiés carlistes vivant à Bayonne depuis près de trente ans. Après quinze jours en prison, ils seront expulsés et remis à la frontière, déjà à l’époque. Armée française, dans laquelle tous les officiers n’étaient pas prêts à remplir leur mission, coûte que coûte, comme le rappel Jean-Claude Larronde remémorant l’officier catholique qui refusa d’agir contre les siens à Saint-Pierre-d’Irube.

Le Marquis d’Arcangues, maire de la commune à l’époque et royaliste notoire, s’était également opposé à l’inventaire de l’Eglise, où il fut menotté puis amené au commissariat de Bayonne, comme l’atteste la une réalisée par le magazine L’illustration, "le Paris-Match de l’époque" commente Xipri Arbelbide.



Protestation adressée par le curé et le bureau de fabrique de l’église de Saint-Jean-le-Vieux au précepteur des Basses-Pyrénées (9 mars 1906)
Saint-Jean-le-Vieux (Basses Pyrénées)

Monsieur le percepteur,

Nous ne pouvons sans forfaiture et trahison, nous dérober au devoir douloureux de protester hautement, pas contre votre personne honorable, que nous entendons mettre hors de cause, puisque vous êtes, ici, en service commandé, mais bien contre le mandat qui vous met en demeure de faire l’inventaire des objets des églises de St-Jean-le-Vieux et de la Madeleine...

Et cette protestation, il nous semble devoir la formuler encore plus énergique et plus indignée, à la suite de la condamnation solennelle et irréformable prononcée par le Souverain Pontife Pie X, contre la loi dite de séparation, comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, comme violant le droit naturel et le droit des gens, comme contraire à la constitution divine de l’Eglise, à ses droits essentiels, et à sa liberté, comme foulant aux pieds les droits de propriété de l’Eglise, gravement offensante pour le Saint Siège, la personne du Pape, l’Episcopat, le clergé et tous les catholiques français...

Par conséquent, comment pouvoir approuver l’inventaire prescrit par une loi, ainsi qualifiée ?

Donc, au nom du conseil de fabrique tout entier, au nom de tous les fidèles de la paroisse, au nom de tous les bienfaiteurs, nous déclarons réprouver ledit inventaire, comme une mesure arbitraire, illégale et prématurée, comme un acte hypocrite et sacrilège.

Nous le réprouvons comme une mesure arbitraire et illégale, attendu que d’une part, il porte une atteinte flagrante à la loi divine, et que, d’autre part, ce n’est pas vous, Monsieur le percepteur, qui auriez dû être chargé de cet inventaire, mais bien un agent des domaines.

Nous le réprouvons comme une mesure prématurée, la sagesse élémentaire commandait d’attendre la décision du suprême chef de l’Eglise, qui doit tracer aux catholiques de France la ligne de conduite à suivre dans l’espèce...

Nous le réprouvons, enfin, cet inventaire, comme un acte hypocrite et sacrilège, attendu que toutes les man¦uvres, discussions et incidents, qui ont précédé et accompagnent cette mesure dite conservatoire, ne nous permet tout bonnement que d’y [voir] un acte préliminaire de spoliation, et d’attendre, d’autre part, qu’il constitue un empiétement indiscutable sur les droits des propriétaires, qui sont le Souverain Pontife et les donateurs, nous, clergé paroissial, et fabriciens, étant simplement les gardiens et les gérants de ces biens reçus en dépôt sacré est inaliénable... Et maintenant, Messieurs, si votre consigne est que la force prime le droit, sans attendre le moindre concours de notre part, procédez à l’opération d’inventaire.

Mais vive le droit ! Vive la liberté !!.

Ont signé : Jauréguiberry curé, secrétaire de la fabrique, Irigaray président, Sébery, Aphestéguy trésorier, Harguindéguy, Lasse. PS : nous demandons que cette protestation soit annexée au procès-verbal de cet inventaire.


 
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