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Le JPB > Culture 2006-07-22
Eloge d’un théâtre barbant
·La pastorale de Sainte-Engrâce sera donnée dimanche et renoue avec la religion pour célébrer sa sainte et un anniversaire

C’est sûr, il y a plus glamour pour occuper un dimanche d’été que de se recueillir pendant trois heures sous le soleil de plomb de Soule et d’assister aux chants, danses et déclamations de la pastorale de Sainte-Engrâce, le jour de l’arrivée du Tour de France et d’un programme culturel chargé en Pays Basque. Surtout que cette année, la pastorale renoue avec les sujets religieux, raisonnablement mis au ban depuis le retour de la pastorale en terre basque, et met en scène le martyre de sa Sainte patronne, longue agonie survenue il y a environ 1700 ans du côté de Saragosse. Pas un scénario à remplir les églises, habituellement désertées bien qu’il y fasse frais. Plutôt les salles obscures si les réalisateurs à succès s’y mettent, sur les traces de la Jeanne d’Arc de Luc Besson. Après tout, les ingrédients du succès commercial sont là et on imagine aisément le réalisateur français mettre en scène le martyre de la jeune femme, sauvagement torturée, dépoitraillée avec des ongles de fer, attachée à la queue d’un cheval, et des seaux d’hémoglobine pour accompagner l’ablation du foie et des seins pour faire renoncer la jeune femme à son culte, jusqu’au clou du spectacle dans la tête de la demoiselle, comme une estocade. En revanche, elle garde la foi.

De ce qu’on en sait, l’histoire est même pire que ça lorsque dans les siècles suivants, son bras se balade en plus de main en main au fil de spéculations reliquaires. Mais l’intérêt n’est pas là, qui reléguerait automatiquement la pastorale au rang d’un simple théâtre barbant. Et si les églises restent vides, on sait en revanche que les pastorales attirent au bas mot 2000 personnes à chaque représentation.

Culture vivante

Dans cet engouement, il y a bien sûr la ré-appropriation d’une culture vivante. Un "revivalisme" qui met tout un village à contribution, pour une bonne année de préparation, d’élaboration des chants, des danses ou des costumes. A Sainte-Engrâce, on répète depuis février. Une vraie tradition populaire vivante, qui se paye le luxe, en prime, d’un retour à un thème religieux. A l’heure où en Soule, le collectif Hebentik mène réflexion sur la modernisation de la pastorale, il fallait somme toute oser. Mais à Sainte-Engrâce, la pastorale reste dans la mise en scène d’un personnage historique légendaire et pour ses habitants, nulle autre que la Sainte patronne ne pouvait mieux célébrer les trente ans de la première pastorale qui y fut donnée en 1976. Du reste, l’auteur de Santa Engrazi pastorala, pourtant curé d’Alçay, a bien proposé deux de ses pastorales "au choix", mais les habitants lui ont demandé de réviser ses copies et de plancher sur Sainte-Engrâce. Junes Casenave-Harigile a donc dû "écrire exprès" une pastorale religieuse, la dixième à son actif d’écrivain et la première qui ne soit pas "profane". Dans cette foulée, il en a écrit une autre, sur Saint François-Xavier, pour la commune de Camou-Cihigue l’an prochain.

Au plus près de l’histoire

Pour écrire cette pastorale, Junes Casenave-Harigile dit avoir voulu collé au plus près de l’histoire.Pas facile pour un épisode si ancien, et qui plus est religieux.Il faut fatalement tricoter avec la légende. "Difficile d’avoir des certitudes" consent l’auteur.Mais Junes Casenave-Harigile a croisé de nombreux documents, notamment ceux du poète Prudence, un Basque qui vivait à Bordeaux vers l’an 350, donc contemporain de la période qui nous intéresse."Personnellement, je n’invente pas" ajoute-t-il, estimant avoir "suivi" ce qu’il connaissait pour rédiger cette pièce dans les préceptes d’une pratique théâtrale remontant sans doute à l’époque médiévale.

C’est à la recherche de cette vérité que Junes Casenave-Harigile pense que notre Sainte, venue du Portugal, était "très probablement Basque", comme en atteste son nom, Gracie, ou Garazi, et qu’elle était "sûrement" bien née. A cette époque, précise le curé, Saragosse, le lieu de son agonie, était en terre basque, en vasconie, et s’appelait Zaragoize.

Dans l’attente du triomphe de cette vérité, c’est bien la légende qui, ce dimanche, va rassembler les foules, et affirmer sa vivacité dans la mise en scène de tout un village.Sous la direction du metteur en scène Jean-Pierre Recalt, l’"errejent" comme on dit dans les pastorales, près de 80 acteurs vont se produire.Ils sont "fin prêts" se félicite le père Juanes qui promet une "pastorale belle" dans un "beau souletin".De même que la chorale dirigée par Sophie Larrandaburu les danseurs menés par Jean Etchegoyhen.

Pour le reste, il convient de rappeler que Sainte-Engrâce est évoquée contre les intempéries, mais aussi contre la sécheresse, ce qui laisse ouverts les pronostics météo pour cette représentation à ciel ouvert.Quant aux craintes d’une tradition barbante, elles sont aussi balayées par les croyances d’une Sainte que l’on invoque pour lutter contre les maux de tête.

Pastorale

Santa Engrazi pastorala.Dimanche 23 et 30 juillet.Sainte-Engrâce.16h.Tarif 12 euros. Durée 3h.

http://www.suazia.com.



Sainte-Engrâce, monument historique
Vers l’an 300, une jeune Lusitanienne du nom de Gratie, jeune vierge portugaise, se rendait avec sa famille en Gaule pour y épouser un noble chrétien. Arrêtée par les soldats romains, les voyageurs furent massacrés et Grâce martyrisée. On parle de foie et seins arrachés, de coeur mis à nu, de clous dans le frontŠ Le culte de Sainte-Engrâce s’enracina à Saragosse, et la légende dit encore qu’au Xe siècle des voleurs s’étant emparés d’un bras de la sainte chargé de bijoux, ils le cachèrent dans un chêne creux, près d’une fontaine, au plus profond de cette verte région de la Soule. Chaque jour, un taureau s’agenouillait devant le tronc et ses cornes flamboyaient. Religieux puis fidèles accoururent, et dès le XIe siècle, une église s’éleva à l’emplacement du chêne. Ce sanctuaire devint lieu de pèlerinage réputé, accueillant les princes d’Aragon, de Navarre, du Béarn. Du XIVe au XVIe siècles, la collégiale subit les dommages de l’occupation anglaise, espagnole et des guerres de religion. Dans la tourmente, le bras de la sainte disparut et fut remplacé au XVIIe siècle par un doigt "importé" d’Espagne. Même la Révolution et la vente de l’église comme bien national ne mirent pas fin aux pèlerinages et en 1841 Sainte-Engrâce fut classée Monument Historique.


 
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