Une décision judiciaire laissant à une seule société, Bil Toki exploitant la marque 64, le droit de fabriquer des tee-shirts marqués du numéro 29, celui du département du Finistère, a suscité le mécontentement d’élus locaux bretons. Le jugement prononcé mardi par le tribunal de grande instance de Toulouse (annoncé dans le JPB de mercredi) est "incompréhensible", s’est insurgé Christian Ménard, député UMP du Finistère. "J’avoue que ça m’a choqué. J’ai même bondi, car ça touche vraiment à notre identité". "J’ai demandé au ministre des PME Renaud Dutreil une analyse juridique et, s’il le faut, je déposerai une proposition de loi", a ajouté le député.
Saisi par la société de Guéthary Bil Toki, le tribunal a condamné pour contrefaçon à 10.000 euros d’amende et à la destruction de ses stocks la société finistérienne Julou, qui commercialise depuis 2004 des tee-shirts frappés du numéro 29. Bil Toki, à l’origine du tee-shirt "64" a déposé auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) la marque 29, parmi une trentaine d’autres numéros de départements, notamment de la façade atlantique.
Le gérant de la société condamnée, Erwann Guiziou, a fait appel et fermé mercredi ses deux magasins de Brest et de Quimper à l’enseigne de "Momo le homard". "La justice toulousaine vient d’offrir à Bil Toki les numéros de 33 départements français. Le problème aujourd’hui nous dépasse. C’est comme si on déposait comme marque toutes les lettres de l’alphabet", dit-il, évoquant une "situation délirante".
Dans son jugement, le TGI s’est appuyé sur le code de la propriété intellectuelle qui, s’il interdit l’appropriation du nom de l’image ou de la renommée d’une collectivité territoriale, ne fait pas obstacle "à ce que le chiffre ou le nombre désignant un département soit utilisé comme marque par un commerçant".
Le Tribunal légitime les pratiques commerciales de Bil Toki: "il ne peut être reproché à la société Bil Toki d’avoir cherché par avance à utiliser le protectionnisme économique (...) pour se réserver l’accès privilégié aux marchés potentiels que sont les départements à forte identité culturelle. Le dépôt de la marque 29, loin de présenter le caractère frauduleux qui lui est prêté, relève en fait d’une bonne gestion d’une entreprise qui préserve ses meilleures chances de croissance en assurant les conditions juridiques d’une réitération du succès initial sur d’autres segments de marchés".
"Je trouve ça très choquant. Je serais surpris que l’on m’interdise d’utiliser le numéro 29 pour la promotion du Finistère", a réagi Pierre Maille, le président PS du Conseil général. Le jugement pose le problème de "l’appropriation d’une identité locale", a ajouté l’avocat du commerçant, Me Benoît Huret, selon qui seule la cour de Cassation peut rendre une "décision claire".