Conçue comme une initiation de ce continent, finalement méconnu, l’exposition se veut à la fois pédagogique et esthétique, servie par une remarquable scénographie réalisée par le bureau d’étude Tipula de San Sébastian, concepteur de nombreuses et prestigieuses expositions (Musée San Telmo, Tabacalera).
Dès le XIXe siècle, la famille Sargos, originaire des Landes de Gascogne, installée au Congo où elle exploitait une concession agricole et sylvicole, a réuni une collection d’art africain. Dans leur domaine de Mimizan les frères Paul et Léon Sargos avaient créé un véritable musée consacré à l’art de ce continent. La collection originale a depuis lors été dispersée, mais leurs descendants, parmi lesquels Jacques Sargos, historien, écrivain et éditeur et Patrick Sargos, professeur d’université, ont reconstitué des collections enrichissant les quelques pièces demeurées en possession de la famille.
On retrouve ces pièces à Biarritz. L’exposition s’articule autour d’un double thème. Elle est à la fois répertoriée par ethnies, en mettant l’accent sur les particularités culturelles ainsi que les différentes pratiques rituelles, et par régions découpées en quatre grands ensembles : Afrique de l’Ouest, Nigeria, Cameroun et Afrique Centrale et de l’Est.
Classification géographique
L’Afrique de l’Ouest regroupe les arts de Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, de Guinée et Guinée Bissau, du Mali, de la Sierra Leone, du Liberia, du Ghana, du Togo et du Bénin. Il s’agit d’une classification essentiellement géographique qui rapproche des ethnies aux styles différents. Au sein de ces sociétés se détache la civilisation Dogon, installée au Mali, qui plonge ses racines dans un très lointain passé et offre le témoignage d’¦uvres sur bois d’une exceptionnelle conservation.
Le Nigeria est occupé à l’ouest par deux ethnies artistiquement majeures, les Yorouba et les Ibgo, sociétés fécondes en ¦uvres considérées comme des classiques de l’art africain. La civilisation d’Ifé, ville sainte des Yorouba, aurait atteint son apogée entre le XIIe et le XVIe siècles ; son art de cour a produit des chefs-d’¦uvre parmi les plus célèbres d’Afrique. L’Est du Pays regorge d’une mosaïque d’ethnies dont la production, due au hasard de la sélection, est bien moins représentée.
Le Cameroun se caractérise par un ensemble de petits royaumes indépendants. La densité de l’art statuaire de cette région est la plus importante de tout le continent. Les collectionneurs se sont souvent désintéressés de ces sculptures d’aspect brut et primitif. Un regard plus approfondi révèle le caractère fortement expressionniste de ces ¦uvres.
Les arts du Gabon, du Congo et Congo Zaïre, de l’Angola, de la Zambie, du Soudan et de la Tanzanie se retrouvent dans les territoires de l’Afrique Centrale et de l’Est. Au Sud et à l’Est les ¦uvres sont moins nombreuses que dans les autres régions, c’est donc principalement l’Afrique Centrale qui présente le plus important ensemble de pièces de cette partie de l’exposition. Principalement issues du Gabon, du Congo Brazzaville et surtout du Congo Démocratique (ex-Zaïre) les masques, notamment, sont remarquables, tant par leurs formes que par l’emploi des couleurs et des matériaux.
Signification des objets
Près de 140 objets constituent l’âme de cette exposition (masques, statuettes, statues, fétiches), fruit du travail de passionnés et d’érudits, ces éléments culturels qui, dans le passé, ont joué un rôle magique et social nous informent des rites, coutumes et modes de vie de ces cultures ignorées et méprisées par l’Occident jusqu’à l’aube du XXe siècle. Le voyage dans le temps et l’espace qui est proposé au spectateur le renseigne sur les cultures des peuples africains et leurs particularismes.
La signification des masques ainsi que leur rôle au cours des cérémonies ; l’existence et l’importance des sociétés secrètes qui interviennent de manière occulte dans la vie des tribus ; la pratique de la sorcellerie, proche à la fois de la médecine et des rites initiatiques ; les statues et statuettes dédiées soit aux cultes funéraires, soit aux pratiques fétichistes liées elles aussi à la sorcellerie, dévoilent la complexité de structures sociales et le degré de civilisation de ces peuples, loin de l’image simpliste véhiculée par l’imaginaire occidental.
D’autres objets dépoussièrent notre vision du monde africain comme ces tambours dont le caractère sacré s’étoffe d’une dimension sociale, et aussi les cauris, petits coquillages ayant longtemps servi de monnaie, utilisés comme éléments décoratifs des masques et des sculptures. Le siège, meuble fonctionnel sous nos latitudes, revêt en Afrique une fonction de prestige révélant le rang social de son propriétaire. Les curieuses cornes de médecines, récipiendaires des poudres et des liquides magiques, utilisées par les féticheurs, sont fermées par des bouchons, finement ouvragés, représentant des têtes humaines.
Au cours de ce parcours, l’esprit de l’Afrique se dévoile peu à peu au visiteur qui pourra juger de l’intemporalité et de la qualité des objets exposés. Les masques et les sculptures de cette région du monde ont profondément influencé l’art occidental du XXe siècle par leur modernité et leur beauté sans artifices. Ils ont déclenché des révolutions esthétiques impulsées par des artistes tels que Picasso, Matisse ou Braque et continuent d’inspirer nombre de leurs successeurs.
Ú Exposition Art africain
Crypte de l’église Sainte-Eugénie, Biarritz.
Jusqu’au 22 juin 2008, ouvert tous les jours (sauf le mardi), de 14 h à 19h. 05 59 22 37 10. culturebiarritz.fr www.biarritz.fr
Tarif normal : 6 euros. Tarif groupe: 4 euros (plus de 10 personnes, carte synergie 2000)
Tarif réduit : 3 euros (jeunes de moins de 18 ans, étudiants, demandeurs d’emploi, carte jeune
Ú "Biarritz 15-20",
(Personnes handicapées.)
Gratuit pour les moins de 12 ans.
Visite guidée : 3 euros (à rajouter au billet d’entrée). Tarif conférence : 5euros (animée par Patrick Sargos le jeudi 17 avril à 18 h). Visite guidée scolaire : découverte de l’exposition suivie d’un atelier de pratique artistique. (Visite proposée par l’association "Question d’Art" 05 59 74 19 07 www.art-canal.com)
Catalogue de l’exposition : Afrique: de la pensée magique au miracle de l’art, superbe ouvrage de Patrick et Catherine Sargos, Editions Hazan, 30 euros.
