« Monsieur le Premier Ministre,
Votre entretien à l’Express dans lequel vous évoquez une
éventuelle modification du mode de scrutin régional a, d’ores et déjà, suscité
les plus vives réactions de la part de nombreux Présidents de Région. En tant
que Président de l’Association des Régions de France, et au nom de tous mes
collègues, je tiens à vous exprimer à nouveau notre opposition la plus ferme et
notre grande inquiétude face à ce projet.
Certes, la tentation est grande, pour tout pouvoir en
place, de modifier la loi électorale au gré des résultats électoraux pour
infléchir tel ou tel mode de scrutin, voire de redessiner la carte électorale,
pour s’assurer une pérennité. Mais ce n’est rien moins qu’un procédé
antidémocratique, une attitude frileuse face aux leçons du suffrage universel.
La défiance de nos concitoyens à l’égard de votre
majorité lors des derniers scrutins municipal et cantonal devrait vous inciter à
remettre en question votre politique nationale plutôt qu’à changer le mode de
scrutin pour les prochaines échéances électorales. Que redoutez-vous des
élections régionales de 2010 : la reconduction des majorités en place signe de
la satisfaction à l’égard des politiques conduites depuis 2004?
Pourquoi revenir sur un mode de scrutin qui a donné une
plus grande lisibilité à l’institution régionale et surtout a permis de dégager
des majorités stables indispensables pour gouverner ? Le seul progrès
souhaitable aujourd’hui serait que la circonscription d’élection soit elle-même
régionale et non pas départementale. La dose de proportionnelle instillée permet
également à toutes les sensibilités politiques d’être représentées dans les
Assemblées régionales et de faire vivre la démocratie, comme dans les conseils
municipaux. Voulez-vous aussi modifier le mode de scrutin des élections
municipales?
Je n’ose imaginer que vous regrettez la période où
l’impuissance prévalait dans les Assemblées régionales, où les exécutifs
régionaux peinaient à faire voter leurs budgets. Or en plaidant pour
"l’instauration d’une proportionnelle à un tour", vous prenez le risque de
replonger la France des Régions dans l’instabilité et l’ingouvernabilité.
Ce dont ont besoin les Régions françaises, ce n’est pas
d’une réforme de leur mode de scrutin, mais d’une clarification de leurs
compétences, de transferts de ressources équivalentes aux transferts de charges
et d’une véritable réforme de la fiscalité locale. Le reste n’est que calcul
politicien et entrave au bon fonctionnement de la décentralisation.
Nous pensons, par ailleurs, qu’il est plus grave de
renoncer à l’évolution de l’actuel collège sénatorial favorisant une
surreprésentation des communes rurales au détriment des territoires où se
concentre la grande majorité de nos concitoyens. Mais ce changement, évoqué lors
des travaux de la Commission Balladur, ne figurera pas dans la révision
constitutionnelle annoncée !
Enfin, permettez-moi de voir dans votre annonce un
réflexe jacobin et un manque de considération pour les élus locaux, surprenants
de la part d’un ancien Président de Région. Annoncer une réforme du mode de
scrutin régional sans consulter les principaux intéressés est inadmissible.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre,
l’expression de ma très haute considération. »