La consommation exubérante de l’oligarchie, voilà l’ennemi !
·Le journaliste du Monde Hervé Kempf en visite-marathon au Pays Basque pour présenter Comment les riches détruisent la planète
Le journaliste scientifique du Monde en convient volontiers, toutes les périodes sont historiques. Mais celle que nous connaissons l’est particulièrement: la crise écologique a atteint un tel niveau que des scientifiques envisagent désormais même son irréversibilité. C’est le point de départ, très rassurant, de l’essai, remarqué, Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007) qu’Hervé Kempf est venu présenter au Pays Basque, dans une visite-marathon organisée par la Fondation Robles Arangiz. Conférence devant une centaine de participants le mardi à Laborantza Ganbara d’Ainhice-Mongélos, rencontre avec des agriculteurs, rencontre avec une quarantaine d’étudiants et de lycéens le lendemain, suivie d’une nouvelle intervention devant 150 auditeurs le mercredi soir.
L’originalité du propos d’Hervé Kempf ne réside pas dans la description de la crise écologique actuelle. Changement climatique, réchauffement, crise de la biodiversité, pollution généralisée jusqu'au Diable de Tasmanie qui évoluait jusque-là dans un écosystème exempt de contamination chimique sont désormais des données assez largement diffusées et connues dans les sociétés estime le journaliste, qui au passage note que cette connaissance va en s’accumulant depuis 40 ans. Ni dans la description du développement des inégalités de richesses entre les pays (le tiers de la population mondiale vit en dessous du Œseuil de pauvreté absolu’ définit par 2 dollars par jour), ou dans la réapparition de la pauvreté dans les pays occidentaux (avec un Œseuil de pauvreté’ entendu comme un revenu inférieur à la moitié du revenu médian qui augmente ou ne diminue plus).
Réduire la conso matérielle de qui?
Là où l’essai devient stimulant, c’est dans la mise en cause de "l’oligarchie" dans la catastrophe environnementale, non plus à venir, mais présente. Délaissant les catégories de Œclasses dirigeantes’ ou de Œbourgeoisies’, jugées trop homogènes, il remet au goût du jour la notion d’oligarchie développée par Thorstein Veblen à la fin du XIXe siècle dans Théorie de la classe de loisir. Une oligarchie qui est dans "une recherche effrénée de biens, de patrimoine et de capitaux" dont l’accumulation a atteint des niveaux inégalés, qui profite du "mouvement de baisse des impôts constant et continu", qui est "dans une consommation outrancière et exubérante de luxe, de yachts, de maisons immenses, de gadgets,...", et qui "bloque les évolutions nécessaires pour parer à la crise écologique par le pouvoir qu’elle détient mais aussi par son modèle culturel de consommation".
Car Hervé Kempf estime, à la suite de T.Veblen, que cette hyper-bourgeoisie donne le Œla’ à l’ensemble de la société, que les couches sociales inférieures cherchent à imiter les modèles de comportement, surtout en matière de consommation. "Plus il y a d’ostentation, plus la norme de la dilapidation va être calquée par l’ensemble de la société." Contre les théories néo-classiques (ou néolibérales) et marxistes qui partent du principe que les besoins de l’être humain sont illimités et qu’une augmentation de la production y répondra, Hervé Kempf, dans la tradition de l’écologie politique, pose le problème en termes de répartition de cette production largement suffisante.
Quant à la possibilité de modifier le cap, le journaliste ne la voit pas poindre spontanément du sein de cette oligarchie, mais avec l’aide d’un mouvement social qui pourrait entraîner une partie de l’oligarchie dans ce "changement urgent". Celui-ci passerait par "la réduction des prélèvements et des rejets" dans la nature. Soit par une "réduction de la consommation matérielle". Il ne s’adresse ni aux 2 milliards d’habitants qui survivent avec moins de 2 dollars quotidiens, ni aux pauvres des pays riches. Et pas qu’aux "oligarques, dont la masse est restreinte", mais "aux classes moyennes et riches des pays développés" qui constituent "le gros de l’empreinte écologique".
Une réduction de la consommation matérielle qui serait d’autant mieux acceptée qu’elle s’accompagnerait d’un mouvement et d’un sentiment de réduction des inégalités, prophétise H.Kempf. Et de souligner la puissance du levier fiscal pour cela. L’idée d’un "revenu maximum" est également une piste avancée par l’auteur de La guerre secrète des OGM (Points Seuil, 2007)
Un changement de cap dont "le futur Las Vegas" en construction aux portes de Saragosse pour l’exposition universelle n’en serait pas l’augure.
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