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La barre haute pour Le Corbusier
·Le festival de danse Le temps d’aimer s’ouvre ce soir sur La Cité Radieuse du Ballet national de Marseille, plage du Port-Vieux
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Le Corbusier n’a pas laissé que de bons souvenirs dans l’imaginaire collectif. On lui doit pourtant quelques réflexions sur des habitats tout aussi collectifs, une célèbre "unité d’habitation de grandeur conforme", beaucoup de générosité et pas mal d’utopie. Et point barre, puisque de l’architecte, de l’urbaniste, du décorateur, du peintre et du littérateur, ne reste souvent que des blocs problématiques de béton, par la grâce d’architectes peu scrupuleux qui se sont inspirés à bon coût de quelques principes d’édification. Sur la plage du Port-Vieux de Biarritz, il s’agira ce soir de réhabiliter Le Corbu, "l’artiste complet" et ses utopies, et surtout le mouvement moderne puisqu’il s’agit de danse (lire aussi l’édition de mardi). Un lieu tranché qui ne déplaît finalement pas au chorégraphe Frédéric Flamand, lequel n’imaginait pas présenter à la plage La cité radieuse, sa première création au sein du ballet national de Marseille, en hommage à la ville et à l’architecte de cet espace de vie de la cité phocéenne. Mais tout compte fait, Frédéric Flamand ne semble pas mécontent de présenter sa fable urbanistique dans ce lieu préservé, pour ouvrir le festival Le temps d’aimer la danse. Dans ce café qui surplombe la plage du Port-Vieux, il expliquait hier, face à une imposante scène en cours de montage sur le sable, le "rapport à la nature" qui questionnait Le Corbusier."Du sommet de la Cité Radieuse, à Marseille, le parapet ne permet de voir que la mer, la montagne et le ciel" étaye Frédéric Flamand.Et puis, se souvient-il, "Le Corbusier est mort en allant dans la mer".Du reste, La Cité Radieuse qui sera présentée ce soir au public basque n’est pas un spectacle sur le bâtiment, mais bien une interrogation sur l’utopie des modernistes.A l’heure des "non-lieux" dépeints par l’ethnologue Marc Augé, ces aires d’autoroutes, ces shopping centers, ces lieux semblables, triomphants et déshumanisés, "que reste-t-il des utopies ?" questionne le chorégraphe."Quelles influences ont ces nouvelles villes sur les corps, ces temples de la consommation, ces cathédrales du XXIe siècle ?"
Nouvelles stratégies humaines
Qu’on se le dise, Frédéric Flamand n’est pas dans la métaphore glauque du béton ambiant, mais plutôt dans l’espoir de "nouvelles stratégies humaines", de "nouvelles formes de libertés" et dans la croyance d’une "force de rébellion".Un "message optimiste" consent le chorégraphe, qui dans le dédale de la mise en scène, n’oublie pas de placer l’homme au c¦ur de la ville, tant il est vrai "qu’il appartient à chacun de construire sa cité radieuse". A l’instar, par exemple, du sociologue René de Maximy, Frédéric Flamand estime que "le corps peut créer la ville" et que face à la morne oppression d’une urbanité glacée, "les corps sont plus forts que les lieux qu’ils habitent".Une façon de placer la barre haute pour cette mise en scène très contemporaine, en plaçant le corps au centre d’une utopie.Forcément, la danse est déjà "l’affirmation du corps", reconnaît Frédéric Flamand. Mais le chorégraphe joue aussi, comme dans nos sociétés d’images, avec le corps figuré et le corps réel, leur fragilité et la propension des êtres à créer leurs propres labyrinthes. De cette tension entre l’être et le lieu naît également la volonté de faire sauter les barrières ou les barres entre les disciplines, comme ce même Le Corbusier, artiste pluridisciplinaire.Face au public, un imposant écran, comme une côte de maille, éloigne le public ou le rapproche en projetant des images enregistrées ou prises sur le vif.
Une main posée sur Les métamorphoses d’Ovide, dont il compte s’inspirer pour sa prochaine création comme le firent d’ailleurs Thierry Malandain et le Ballet Biarritz dans Le sang des étoiles Frédéric Flamand réaffirme une mythologie de l’être, du corps et du lieu, et se souvient que "non-lieu" est justement le sens étymologique du mot "utopie".
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