Tour de France - Bilan
Un Tour de France à reconstruire
·Plus que jamais, la Grande Boucle se pose de multiples questions sur le devenir de la course
S’il s’est donné un jeune vainqueur de 24 ans, le Madrilène Alberto Contador, le Tour de France, vénérable institution centenaire, se cherche un nouvel avenir après une 94e édition gangrenée par les soupçons de dopage. "Nous ne voulons plus connaître cela", ont répété les organisateurs de la course, Patrice Clerc (président de la société ASO) et Christian Prudhomme (directeur du Tour). Au terme de l’une des pires éditions de la décennie, neuf ans après le scandale Festina qui avait révélé au monde la gravité du dopage dans le peloton, de nombreuses questions restent en suspens. La survie du Tour est-elle en danger ? Non... à court terme. Si l’image renvoyée dans les médias par la 94e édition a été "désastreuse" (selon le mot du manager de Gerolsteiner, Hans-Michael Holczer), le Tour a conservé son pouvoir d’attraction. Dans l’hexagone, mais aussi et surtout à l’étranger, où la course a suscité un énorme engouement sur son passage. En gardant l’appui du public, le Tour possède le meilleur des arguments. Auprès de ses grands partenaires et de la plupart des télévisions, qui disent, à l’image de France Télévisions, être rassurés par la fermeté des organisateurs.
La plus grande épreuve du monde a bien besoin de ces supports pour affronter le problème crucial du dopage qui menace, encore et toujours, de ruiner sa crédibilité. Depuis 1996, tous ses lauréats ont été soit confrontés au soupçon, soit confondus un jour ou l’autre. Devant l’étendue du désastre, ses dirigeants s’interrogent sur différentes pistes. Ils donnent rendez-vous au 25 octobre, pour la présentation de l’édition 2008.
Pour l'heure, une seule certitude : les rapports entre le Tour et l’Union cycliste internationale (UCI) n’ont jamais été aussi tendus. Jusqu’à la rupture. Quelles relations à prévoir entre ASO et l'UCI ? L’union sacrée décrétée début mai a explosé au fil des jours. L’affaire Sinkewitz (dont le contrôle positif début juin par l’agence nationale allemande a été annoncé tardivement, pendant la course) et surtout le cas Rasmussen, le maillot jaune danois autorisé à courir malgré l’avertissement reçu avant le Tour, ont consommé la cassure. Opposés au ProTour, le circuit mis en place par l’UCI sur lequel repose l’échafaudage de l’élite, les organisateurs du Tour ont dressé un "constat de faillite" du système. Ils ont annoncé leur volonté de s’appuyer sur d’autres instances que l’UCI pour combattre le dopage. Sans, pour autant, "s’exonérer" définitivement du pouvoir sportif, selon le mot de Patrice Clerc. Hormis le Tour de France, son épreuve phare qui assure l’essentiel de ses ressources, ASO organise aussi d’autres courses, parmi les plus importantes du calendrier, et compte pour alliés les responsables des deux autres grands tours (Giro, Vuelta). C’est tout l’équilibre du cyclisme qui dépend de sa politique et de sa capacité à la mettre en place.
Vers des "équipes de Pays"?
Comment vont réagir les équipes? L’hypothèse d’une participation ouverte (ou réservée) aux équipes nationales ou à des groupes mixtes, qui ne réglerait évidemment pas à elle seule le problème du dopage, peut servir de levier aux dirigeants du Tour pour accélérer la mutation des équipes. Les groupes français et les Allemands ont fondé leur propre association, "mouvement pour un cyclisme crédible", plus exigeante sur les critères d’éthique. Le Tour pourrait s’appuyer sur eux dans sa démarche Pour toutes les équipes, s’ouvre une période d’incertitude. La plupart d’entre elles (12 sur les 20 du ProTour) n’ont pas de garantie de parrainage au-delà de 2008. Les prochains mois s’annoncent par conséquent décisifs pour l’économie de ce sport.
Une jeune Euskaltel-Euskadi reprend des couleurs
Au-delà des affaires de dopage et de la victoire finale de Contador, les supporteurs basques ont suffisamment de prétextes pour renter la tête haute de ce Tour de France. Avec deux coureurs parmi les dix premiers dans le classement général (Zubeldia 5e, Astarloza 9e) et un autre qui a été élu le plus "combatif" (Txurruka), Euskaltel-Euskadi a largement rempli son contrat, mettant fin à trois années de pénuries et retrouvant les couleurs de 2003, l’année où Mayo et Zubeldia défrayèrent la chronique de la presse internationale. Il a juste manqué une victoire d’étape, la cerise sur le gâteau que les basques ont constamment recherché sans jamais trouver le bonheur. Peu importe, le bilan est plus que satisfaisant. "Je pense que c’est un meilleur Tour que celui de 2003" lance le directeur sportif Igor Gonzalez de Galdeano : "À l’époque, les individualités de Zubeldia et Mayo avaient fait la différence, aujourd’hui nous avons mieux fonctionné en équipe" précise-t-il.
Avec une équipe très jeune dont quatre coureurs qui disputaient là leur premier Tour de France (Ruben Perez, Amets Txurruka, Jorge Azanza et Igor Anton), les orange se sont montrés quasi tous les jours dans les étapes de montagne, que ce soit dans les Alpes ou dans les Pyrénées. Les statistiques le confirment. Ruben Perez a été l’homme "le plus échappé" de la course. Toutes les étapes confondues, il a parcouru la bagatelle de 513 kilomètres en solitaire, mieux qu’un rouleur de la trempe de Voigt (423 kilomètres). Logiquement, Euskaltel domine ce chapitre de la course. Entre eux tous, ils ont pédalé 1 601 kilomètres sans devant le peloton, dans les échappées.
"Plus que par le résultat, toujours très difficile à obtenir dans un Tour de France, je suis satisfait du comportement de mes coureurs. Ils se sont montrés à plusieurs reprises, mais pas seulement individuellement, collectivement aussi et ça, c’est important".
Galdeano convient que l’équipe avait pris un risque considérable en se présentant à ce Tour avec un groupe de jeunes, "mais nous avons eu suffisamment de force, tout s’est bien goupillé par la suite, l’ambiance a été très bonne, ce qui n’est pas toujours évident et si nous avions quelques doutes au départ, ils ont rapidement disparu. Je peux dire aujourd’hui que nous avons une très bonne équipe pour l’avenir".
Seul hic dans cette Grande Boucle, la victoire d’étape qui a résisté aux orange, mais que le directeur sportif n’échangerait pas contre la prestation générale de la course. "Si on me propose d’échanger notre tour contre une victoire comme celle de Casar par exemple, je ne le ferai pas. Je pense que ce que l’on a réalisé est plus important. Une étape de montagne est encore autre chose, mais cette année, les étapes alpines et pyrénéennes étaient très prisées".
Bien sûr, le directeur sportif des Euskaltel a réagi aux informations qui prétendent un "Tour de sélections nationales" pour l’année prochaine. À ce sujet, Galdeano ne se fait pas de souci, "il faudrait poser la question à Madariaga (ndlr : le directeur), mais je préfère la formule d’aujourd’hui. Cela dit, nous, nous sommes déjà la sélection d’Euskadi, ça ne nous changerait pas grand-chose".
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