Avocats du barreau de Donostia Saint-Sébastien, Maîtres Unai Errea et Itziar Larraz sont passés de défendre les membres du Collectif des prisonniers politiques basques (CPPB) à être assis au banc des accusés. L’affaire est longue mais ils résument brièvement les raisons qui sont à l’origine de leur mise en examen: "la criminalisation du travail de défense" du CPPB avec pour objectif de "cacher la violation des droits" et de "laisser les prisonniers sans défense juridique".
Tous les deux sont accusés de "complicité avec une association de malfaiteurs" et "remise de documents à des prisonniers en dehors des modes de transmission prévus par loi". Il s’agit d’une procédure en correctionnelle, dont la peine encourue est de dix ans.Le tribunal les a condamnés en première instance à des peines de quatre ans pour Unai Errea et trois ans pour Itziar Larraz, assorties d’une interdiction de territoire, ainsi que cinq ans pour quatre autres prisonniers qui étaient eux aussi mis en examen dans cette procédure. Les deux avocats ont saisi la Cour d’appel de Paris qui doit examiner le dossier le 22 juin prochain.
Accompagnés des responsables d’Askatasuna, tous les deux ont dénoncé dans une conférence de presse à Bayonne l’"origine politique" de l’affaire. Ils ont dénoncé les mesures et les méthodes employées par la section antiterroriste pour construire ce dossier. "Lors de l’arrestation d'Itziar [en juin 2003], un fonctionnaire de la DNAT a fait pression sur elle en exigeant qu’elle change ses déclarations, disant que dans ce cas elle serait libérée le dimanche. Elle a refusé", a rapporté Me Errea.
Quant à lui, sa première arrestation [un mois auparavant] était "une tentative du Procureur et de la juge Le Vert de me faire rayer de l’ordre des avocats. Finalement, le barreau de Paris n’a vu aucune raison de m’exclure".
"La deuxième fois que j’ai été arrêté [en avril 2005], au moment où je suis passé devant la juge Le Vert, celle-ci m’a dit qu’elle serait prête à faire un geste si je retirais mes déclarations. Ensuite, un autre magistrat m’a proposé de m’éviter l’incarcération si je démissionnais du barreau. J’ai refusé et j’ai été incarcéré".
Remis en liberté sous contrôle judiciaire en juillet 2005, le Procureur a fait appel et Unai Erreaa a été maintenu en prison. "Le Procureur comme les juges antiterroristes Le Vert et Houyvet ont mené une instruction partiale, uniquement à charge, arbitraire et intéressée", a dénoncé l’avocat Gipuzkoar. "Des éléments et preuves sans aucune base ont été ajoutés au dossier, et les seuls actes judiciaires menés ont été ceux qui confortaient la thèse de l’accusation" a ajouté Itziar Larraz. "Vraiment, c’est honteux de voir comment ils ont manipulé des documents rien que pour construire l’accusation".
Soutiens
Les deux avocats ont constaté que pour le procès, c’est la Xe Chambre correctionnelle qui a été désignée. "Ce choix n’a pas été fait par hasard, le Président de cette Chambre étant connu pour son extrême sévérité". Les peines ont confirmé leurs craintes. "Nous avons été arrêtés à la barre et emmenés sur-le-champ à Fleury" ont-ils dénoncé, soulignant que cette mesure montre "à quel point il s’agit d’une procédure politique".
Remis en liberté au bout d’un mois suite à l’appel présenté par leur défense, les deux avocats espèrent que l’issue de cette procédure "illogique" rentrera dans la logique. En attendant le verdict, ils ont remercié la solidarité montrée par le Syndicat des avocats de France, par les différents barreaux du Pays Basque et d’ailleurs, par l’association d’avocats basques Eskubideak ainsi que par les 300 avocats "basques, français, espagnols, belgesŠ" qui ont signé une pétition de soutien.
Appel à manifester
Askatasuna a pour sa part dénoncé le but de ce procès: "faire peur aux avocats et entraver ainsi le droit à la légitime défense des prisonniers politiques basques". L’association a lancé deux messages, le premier adressé aux autorités françaises, "à M. Sarkozy que nous avons entendu ces jours-ci s’engager à faire de la France "une démocratie exemplaire", à Mme Alliot-Marie, qui nous annonce des arrestations, de lourdes peines, la sempiternelle répression, comme seule réponse aux revendications légitimes qui sont exprimées ici, et qui ajoute qu’une consultation populaire serait illégale. Mais, la dispersion aussi est illégale, les expulsions le sont, tout comme la tortureŠ"
Le deuxième message a été adressé à la société basque pour qu’elle manifeste massivement samedi à partir de 17h à Bayonne pour "refuser ces abus scandaleux".