Le marathon des baladins de la toile prenait sa vitesse de croisière, hier au Festival de Biarritz (Cinémas et cultures d’Amérique latine). Avec des projections sur trois sites (Casino, Royal, Gare du Midi) étalées entre 10h00 et 20h30 ; courts, longs en compétition ou pas, rétrospectives, hommages... le tout agrémenté de conférences, rencontres, expositions. L’amateur et le professionnel s’y croisent, sans se reconnaître et c’est très bien.

Midi et quart, sortie de séance à la Gare du Midi, QG des festivités. Chassé-croisé des accréditations multicolores fendant les foules de spectateurs, s’attardant entre les rayons des librairies délocalisées et thématisées pour l’occasion. Les lycéens sont là aussi, formant cohortes d’une jeunesse qui fait du bien. Direction le "village" (restaurants, buvettes et bimbeloterie). Sur l’estrade de la salle de conférence (qui la nuit devient piste de danse), première rencontre-débat suivant les projections, formule devenue traditionnelle. Deux Mexicains ; le petit et le grand ; côte à côte ; enfin presque, les deux réalisateurs sont séparés par Marc Bonduel, directeur du festival, et Maria Lourdes Cortes, spécialiste du cinéma d’Amérique centrale.

Afin de rompre la glace que fabriquait l’estrade aux micros, M. Bonduel tente d’établir un parallèle entre les formes courte et longue du cinématographe. "Est-ce un choix de faire court ?", demande-t-on à Celso Garcia, réalisateur de La leche y el agua, court-métrage mexicain en compétition ?La question était rhétorique ; car on sait que les contraintes financières et techniques sont généralement à l’origine de tout ce qui se fait, surtout dans les pays pauvres... et soumis à un capitalisme particulier que surveillent les Etats-Unis.

Sur notre coin basque d’un hexagone pénétré des visions de la nouvelle vague, il est toujours bon de se rappeler que notre "politique des auteurs" n’est pas une mièvre défense de la tour d’ivoire du "metteur en scène" (cet emprunt au lexique théâtral est finalement récent). C’est non l’évasion des contraintes, mais leur contrôle, essentiellement par la maîtrise de la production. Aussi est-il étrange de voir un jeune cinéaste mexicain réfléchir à la question du choix. "Eh, petit : plus tard, tu veux être chirurgien ou éboueur ? - Je sais pas, il faut que j’aide Papa à l’usine..."

Cela dit, avant que le sujet de la production ne soit abordé par Mme Cortes, qui monte en Amérique centrale un réseau indépendant (elle sera en conférence aujourd’hui, 16h00 au village), le duo mexicain s’est avantageusement sorti d’affaire en biaisant sur le thème de la fiction. Car Juan Rulfo, auteur de En el hoyo, long-métrage d’ouverture mardi soir, s’est dit très proche de la forme courte dans la mesure où (bien que le court de son compatriote fût une fiction) il avait fait un documentaire. Et quel documentaire (lire le JPB d’hier). Surpris de voir des quidams riches d’une présence digne d’acteurs professionnels, Marc Bonduel tendait une perche savamment calculée à l’auteur, qui répondit que dans son cinéma (mais n’est-ce pas LE cinéma ?), un personnage restait un personnage. Alors, fiction ou réalité ? Les deux mon général.