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Le JPB > L'opinion > La parole à 2006-01-18
Christophe PIEDRA / CIMADE
Analyse du projet de loi sur l’immigration

Alors qu’à peine deux années se sont écoulées depuis la dernière réforme d’ampleur de la législation sur l’immigration, un nouveau projet de loi est dévoilé en ce début d’année.

La réforme de 2003, dont aucun bilan n’a jamais été réalisé, avait déjà fortement durci la législation, rendant la vie impossible pour des milliers d’étrangers et leur famille, remplissant les centres de rétention par son aveugle politique du chiffre.

Le nouveau projet qui est présenté aujourd’hui peut être qualifié d’inhumain.

Il prépare la disparition du droit au séjour pour les familles, les conjoints, les enfants, de toutes celles et ceux qui construisent leur vie en France. Il entérine la quasi-disparition de cet outil d’intégration qu’était la carte de résident, il s’attaque aux malades.

Si ce projet est adopté, il ne fera pas bon aimer une personne française, vouloir vivre avec sa famille ou avoir des enfants. Pour ceux-là, la multiplication sans fin des conditions rendra l’espoir de la régularisation bien vain.

Pour les autres, les "utiles" ou les "talentueux", ce projet légalise les faveurs et organise l’immigration jetable, sans autre droit que se taire et de travailler.

De ce retour à des réglementations de troisième république, il n’y a rien à garder. Ce projet évacue l’être humain pour ne voir que de la main-d’¦uvre.

Y a-t-il encore un droit

de vivre en famille ?

Nicolas Sarkozy traque les reconnaissances en paternité de complaisance. Les reconnaissances d’enfant pourraient, comme pour les mariages, donner à lieu à une saisine du procureur de la République qui pourra s’opposer à l’enregistrement de la reconnaissance ou faire procéder à une enquête de police. La reconnaissance d’un enfant qui était jusqu’à présent l’affaire du couple, deviendra celle de la justice. Fera-t-elle procéder pour toute reconnaissance à des tests d’ADN ou des enquêtes dans les lits conjugaux pour prouver la filiation d’un enfant ?

Pour les conjoints de Français : pour obtenir des papiers, les étrangers mariés avec des Français devront obligatoirement retourner dans leur pays d’origine pour y attendre la délivrance hypothétique d’un visa de long. Parmi tous ceux qui partiront, certains n’arriveront pas à l’obtenir et resteront bloqués dans leur pays : un bon moyen de réduire l’immigration familiale !

Faire preuve d’une stabilité dans le couple exemplaire. Le titre de séjour sera retiré si les époux se séparent pendant les quatre années qui suivent le mariage. Cette condition fait réfléchir lorsque l’on sait que les deux tiers des couples français se séparent au bout de trois ans de vie commune !

Ce projet de réforme sonne par conséquent la fin de la délivrance de plein droit d’une carte de résident aux conjoints de Français.

Pour les jeunes majeurs et les mineurs sans-papiers scolarisés : l’âge en deçà duquel ils doivent être arrivés pour demander à bénéficier d’un titre de séjour est abaissé : il faudrait être entré en France avant l’âge de dix ans, au lieu de treize ans actuellement. C’est la réponse inacceptable aux milliers de personnes, élèves, enseignants, parents d’élèves, qui depuis plus d’une année et demie se mobilisent pour exprimer leur solidarité avec les jeunes sans papiers scolarisés.

Le regroupement familial connaîtrait un nouveau tour de vis : les conditions pour pouvoir faire venir sa famille seraient plus strictes : on exigerait des étrangers qu’ils aient des conditions de vie que de nombreux Français n’atteignent pas, notamment en termes de ressources et de logement. Ainsi le logement devrait répondre à des critères de superficie, de confort, d’habitabilité et même de localisation !

Pas d’intégration, pas de papiers : pour bénéficier d’une carte de résident, l’administration ne se contenterait pas d’exiger de l’étranger qu’il prouve sa propre intégration, elle lui imposerait aussi de démontrer celle de son conjoint et de ses enfants mineurs

Pour ceux qui justifient de liens personnels et familiaux en France : on exigerait d’un sans-papiers qu’il justifie de ressources au moins égales au SMIC, d’un logement répondant à des critères de superficie, de confort, d’habitabilité et de localisation et d’une intégration déterminée par la connaissance de la langue française, l’adhésion aux principes qui régissent la République française et leur respect dans son comportement quotidien.

Ces conditions sont totalement absurdes puisque les sans-papiers n’ont pas le droit de travailler : ils n’ont donc ni ressources déclarées ni la possibilité d’obtenir un logement.

Suppression de la régularisation après 10 ans de présence : cette mesure née en 1997 avait été à l’époque votée par une majorité de droite au parlement. Elle marquait la reconnaissance des attaches personnelles nouées par un étranger ayant vécu et travaillé de longues années en France. La disparition de cette disposition va enfoncer dans la précarité perpétuelle des étrangers ayant vocation à vivre en France. Elle ne conduira qu’à des actes désespérés.

Régularisation des étrangers malades : la fin d’un droit : au-delà de la question de l’existence d’un traitement médical, l’administration ne s’interrogerait plus sur la possibilité effective de bénéficier du traitement à l’étranger, notamment d’un point de vue financier. Or c’est bien ce point qui est essentiel : l’existence théorique de soins médicaux ne peut pas être confondue avec un accès réel à ces soins. De plus, les pathologies prises en compte seraient beaucoup moins nombreuses qu’aujourd’hui, excluant des personnes dont l’état de santé est pourtant grave. Enfin, les personnes régularisées auraient le droit de rester en France mais plus celui de travailler. Que Nicolas Sarkozy nous explique comment ces personnes pourront vivre sans ressources, dans des conditions matérielles totalement incompatibles avec leur état de santé.

Les travailleurs jetables : le contrat durerait au maximum 18 mois et la carte de séjour aussi ; sauf exceptions elle ne serait pas renouvelée.

Licencié par son patron, l’étranger serait également expulsé. Une nouvelle double peine. Faute de cadre juridique garantissant le maintien des droits sociaux pour les étrangers menacés de licenciement ou victimes d’exploitation et de harcèlement, elle ouvre la voie à l’immigration "kleenex".

Carte de séjour temporaire : toujours plus de conditions

Sauf exceptions, la carte de séjour temporaire ne pourrait être délivrée que sur présentation d’un visa de long séjour: l’étranger ne serait donc plus uniquement soumis à la décision du préfet, mais aussi à celle du consulat de France.

La carte de séjour ne serait renouvelée que si l’étranger justifie de son intégration : il perdrait le droit de rester en France si l’administration estime, par exemple, qu’il a une maîtrise insuffisante de la langue française. Peu importe qu’il ait toutes ses attaches en France et qu’il ait commencé à y construire sa vie.

Enfin, la carte de séjour n’autoriserait à travailler que si son titulaire réussit un examen organisé à l’issue d’un stage de formation professionnelle : s’il échoue, l’Etat français envisage-t-il de pallier l’absence de revenus professionnels par l’octroi d’aides sociales à des personnes qui seraient parfaitement en capacité de travailler ?

Carte de résident : au bon vouloir du préfet : les cartes de résident seront presque toutes délivrées selon le bon vouloir de l’administration. Elles seront donc l’exception tandis que la règle sera la carte de séjour temporaire, c’est-à-dire la précarité administrative, statut beaucoup plus pratique pour se débarrasser des gens dont on ne veut plus.

Les faveurs du prince, la carte de séjour "capacités et talents" officialise la vision générale de l’immigration pour ce gouvernement. C’est le "mérite", les "talents" choisis et sélectionnés par l’administration qui donnent droit à séjourner en France, et non plus le fait que sa famille et ses attaches se soient construites dans ce pays.

À lire le nouveau projet de loi sur l’immigration de Nicolas Sarkozy, les étrangers doivent être des gens bien sous tout rapport faute de quoi ils resteront sans papiers.

Pour obtenir et conserver leur titre de séjour ils doivent être bien intégrés, bien vus par le maire de leur commune, en bonne entente avec leur conjoint, appréciés par leur patron, disposant d’un bon salaire et d’un grand logement dans un quartier chic.

Un licenciement, une dispute avec le conjoint, des difficultés pour apprendre le français ? Ceci signifie la fin du droit au séjour en France.

Un étranger est renvoyé dans son pays, un autre plus docile prendra sa place pour satisfaire les besoins de notre économie. Que cela contrevienne aux engagements de la France relatifs au respect du droit à la vie familiale des personnes n’est pas un problème. Au contraire c’est même l’objectif affiché : mettre un frein à l’immigration familiale, quels que soient les moyens utilisés.


 
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