L'Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole, a prolongé mardi de deux ans l'interdiction de toute activité politique de Batasuna et ordonné l'interdiction d'un congrès prévu samedi prochain 21 janvier à Barakaldo par la formation.

Le juge s'est rangé à l'avis du Parquet général de l'Etat espagnol qui demandait l'interdiction de cette réunion politique et que soit prorogée l'interdiction d'activité politique décrétée en 2002 par le juge Baltasar Garzon contre Batasuna en raison de ses liens avec l'organisation armée ETA. Cette interdiction avait été suivie en 2003 par sa mise hors-la-loi par le Tribunal Suprême.

La justice a interdit à Batasuna, pour un délai maximum de deux ans, d'exercer des activités politiques, et confirmé la fermeture de ses locaux et pages web, a-t-on appris de source judiciaire.

Le juge Fernando Grande-Marlaska a "interdit la tenue du Congrès de Batasuna prévu au Bilbao Exhibition Center de Barakaldo le 21 janvier 2006, indépendamment de l'endroit où il pourrait se tenir", selon le texte de son ordonnance. Il a aussi requis du gouvernement régional basque qu'il prenne toutes les dispositions pour empêcher la tenue du congrès.

Le porte-parole de Batasuna, Arnaldo Otegi, avait assuré dès avant l'annonce que le congrès se tiendrait "indépendamment de ce que déciderait le juge".

Batasuna "et ses militants ont la ferme intention de tenir" cette réunion et "tout le monde sait que la gauche abertzale a suffisamment d'imagination" pour trouver une façon de le faire, avait-il dit à la télévision régionale basque.

En l'état actuel, Batasuna ne peut organiser de réunions politiques ni envisager de se présenter aux prochaines élections les municipales prévues en 2007.

Cette formation entendait confirmer, au congrès du 21 janvier, sa proposition solennelle de 2004 pour un règlement du conflit politique par des moyens exclusivement politiques.

Après deux ans et huit mois sans attentat mortel de l'ETA, les nationalistes modérés du PNV, au pouvoir au Pays Basque, plaident pour que Batasuna soit de nouveau inclus dans le jeu démocratique. L'exclusion de Batasuna menace selon eux tout développement d'un processus de paix.

Le titulaire du portefeuille de la Justice dans le gouvernement basque, Joseba Azkarraga de EA, a estimé par avance mardi que l'interdiction du congrès serait "une grosse erreur". Il a qualifié d'"assez hypocrite" le débat actuel alors que Batasuna, dans les mêmes conditions juridiques, avait été autorisé en 2004 à tenir la réunion publique d'Anoeta (Donostia) au cours de laquelle le parti avait formulé sa proposition de règlement négocié. "Il y a encore plus de raisons aujourd'hui d'autoriser une réunion ayant ces caractéristiques parce que nous sommes en ce moment bien plus près du début d'un processus de normalisation et de pacification de ce pays", a-t-il dit. Les membres du gouvernement d’Izquierda Unida ont également critiqué la décision.

Malgré ces propos, la porte-parole du Gouvernement Basque Miren Azkarate a annoncé que la décision judiciaire sera respectée et que les forces de police autonome empêcheront la tenue de ce congrès.

Pour sa part, le porte-parole du Parti socialiste de Jose Luis Rodriguez Zapatero s’est félicité de la décision du tribunal, "c’est une grande nouvelle, signe que nous sommes dans un état de droit". Le ministre de la justice, a également soutenu la décision du tribunal.

Pourtant des voix s’étaient élevées ces jours-ci au sein même du parti socialiste afin que la loi des partis, à l’origine de l’interdiction de Batasuna soit abrogée, ou pour que le tribunal laisse faire le congrès. De plus, alors que Batasuna et le Parti Socialiste multiplient les contacts pour lancer un processus de paix, cette décision du tribunal impulsée par le Parquet et applaudie par les membres du Parti Socialiste risque de faire mouche dans ce processus. Les réactions étaient nombreuses hier soir. En Pays Basque sud, les représentants des partis politiques à l’exception du Partido Popular étaient unanimes afin d’autoriser le congrès de Batasuna, perçu comme un nouveau pas dans la résolution du conflit.