L’alpiniste Jean-Christophe Lafaille a prévu de passer la nuit de Noël dans une crevasse, à 7000 mètres d’altitude, sur les pentes du Makalu (8 463 mètres), au Népal, où il tente une première hivernale en solitaire de ce sommet, a-t-on appris hier auprès de son entourage. "Je lui avais donné une petite bouteille de champagne et du foie gras, pour les fêtes, mais ce sera pour son retour au camp de base, avant l’assaut final", a expliqué son épouse et manager, Katia Lafaille, jointe au téléphone.

Avec onze sommets de plus de 8000 mètres à son actif, souvent en solitaire et par des voies nouvelles, et après la disparition dans l’Himalaya de Benoît Chamoux, Pierre Béghin, Christophe Escoffier et Chantal Mauduit, Lafaille s’affirme aujourd’hui comme le grand himalayiste de l’hexagone.

Arrivé début décembre au Népal, l’alpiniste, âgé de 40 ans, a établi son camp de base à 5300 mètres, où il a transporté tout son matériel, avec l’aide de son cuisinier et de deux marmitons-porteurs. Il dispose d’un téléphone satellitaire, d’une petite caméra et d’une station de transmission. Les quatre hommes sont seuls sur la montagne. Lafaille a prévu de faire sa tentative en solitaire et sans oxygène par la voie normale.

C’est une ascension relativement facile pour un grimpeur de ce niveau. "Le challenge est dans les conditions hivernales grands vents, températures très basses qui aggravent les effets du manque d’oxygène en très haute altitude et dans la tentative en solitaire", souligne Mme Lafaille. Au-dessus de 8000 mètres, l’individu perd environ 80% de ses capacités physiques, du fait de la mauvaise oxygénation du corps. Jean-Christophe Lafaille a déjà réussi au Sishapangma (8064 mètres), en décembre 2004, une hivernale en solitaire et en style alpin (sans équipement de la montagne), jusque-là jugée impossible sur les plus de 8000 mètres. "Là, c’est un cran au-dessus, il y a un engagement énorme, il faut rester plus longtemps à très haute altitude", commente Christian Trommsdorff, un alpiniste, qui était au printemps 2004 au Makalu.

"Tout dépendra de la météo", ajoute-t-il. Avec des vents soufflant entre 70 et 140 km/heure, le sommet n’est accessible que pendant les accalmies, des créneaux qui peuvent durer seulement quelques heures, durant lesquelles l’alpiniste devra gravir et redescendre plus de 800 mètres de dénivelé. "Il joue sur sa rapidité et son extrême technicité. Il a suivi une longue préparation depuis le Sishapangma : entraînement par tous les temps et même malade ou fatigué", explique Katia Lafaille. "Il a aussi beaucoup travaillé à son alimentation, à sa préparation mentale et à son matériel", ajoute-t-elle.

L’alpiniste est monté en début de semaine à 6000 mètres, d’où "il a repéré à la jumelle une rimaye crevasse à 7000 mètres d’altitude, dans laquelle il devrait être à l’abri du vent". "Il y sera le 24 et il a prévu de monter à 7400 mètres, emplacement de son dernier bivouac, le 25, dans le cadre de son programme de repérage et d’acclimatation à l’altitude", indique Mme Lafaille. Un créneau météo favorable est annoncé entre le 24 et le 26. Il devrait se lancer à l’assaut de la montagne début janvier. "J’espère bien qu’il réussira, il le mérite vraiment", a commenté Serge Coupé, 80 ans, membre de la première cordée à avoir foulé le sommet, en 1955. "Jean-Christophe pratique un alpinisme radical, authentique, engagé, mais il est savant et prudent", observe Jean-Michel Asselin, himalayiste et ancien rédacteur en chef du mensuel Vertical.