"C’est dur de se faire une place" consent Hartzea Lopez-Arana. Le seul salarié des éditions associatives Gatuzain, basées à Bayonne, choisit de toute façon "des sujets dont personne ne parle". Un paradoxe si l’on considère, comme ce jeune trentenaire, que "les livres qui se vendent sont ceux qui font l’objet d’une médiatisation". Pourtant, la vente des livres est en plein essor rappelle Hartzea. Mais son "créneau est difficile".

Pour développer son activité, la petite maison d’édition a besoin de plus de 300 abonnés contre plus d’une centaine aujourd’hui. Il faut dire que son fonctionnement repose sur des souscriptions, avec des ristournes d’environ 25% par ouvrage. Les abonnés reçoivent quatre livres par an au prix de douze euros chacun. Un peu le système France Loisirs appliqué au tissu associatif basque. Et des ouvrages d’ici ou d’ailleurs, qui, certes, abordent "des sujets dont personne ne parle" mais représentent surtout des essais, tintés de politique. Gatuzain se présente d’ailleurs comme "une maison d’édition différente, porteuse de saveurs sociales, au service de la construction d’Euskal Herria". France loisirs version diversité basque. Dans la boutique de la rue d’Espagne, outre quelques produits issus du commerce équitable, on trouve la trentaine d’ouvrages que Gatuzain a fait paraître en 6 ans d’existence. Là, cet écrivain de nouvelles a un nom connu. Il s’appelle Jerry Adams. "Notre bouquin chouchou" commente Hartzea. Dans les deux langues, les saveurs sociales sont là, quand elles n’ont pas celle du pétrole du livre de photo des méfaits du Prestige, signées par le journaliste Jose Arocena. Alors que Gatuzain s’apprête à publier un ouvrage sur le conflit méconnu du Népal, son système d’abonnement va changer. Plus question de partir dans de longues campagnes annuelles pour renouveler les abonnements. Désormais, la maison d’édition "différente" opte pour le virement automatique. Une bouffée d’air pour pallier les soucis de distributions. 25 points de ventes à démarcher dans tout le Pays Basque nord. Et un distributeur en France qui écoule un maigre stock dans le flux des 6000 sorties françaises annuelles et des têtes de gondoles.

Les abonnées de la première heure ou les nouveaux souscripteurs ont un programme de lecture chargé devant eux. Après le livre sur le conflit népalais, écrit par un bénévole de l’association qui a effectué quatre voyages dans ce pays et signera ainsi le premier ouvrage consacré à ce sujet en langue française, les éditions Gatuzain vont publier à la rentrée un ouvrage intitulé Le business de la guerre, dans lequel douze auteurs décortiquent l’économie de guerre (mercenaires, armes, humanitaires) dans douze pays.

Dans cette foulée, on attend à partir de l’hiver le travail d’enquête du journaliste de Berria, Eneko Bidegain, sur Iparretarrak, Le livre noir de la république française, ou Gilles Perrault et Michel Cahen notamment, s’appliquent à démystifier le pays des droits de l’homme, ou l’ouvrage, en cours de réalisation, d’une certaine Joelle Aubron qui confie pour la première fois, "avec des mots d’aujourd’hui" son expérience au sein d’Action directe, les années d’enfermement et les raisons de son engagement.

Dans un registre plus local, on espère également un essai sur la question foncière en Pays Basque cosigné par Peio Etcheverry Ainchart, Maite Goienetxe et Pierre Wissler, qui décline respectivement le sujet au Labourd, à la Basse Navarre et à la Soule, et le second volume du livre consacré au Mouvement abertzale en Iparralde par le journaliste Bixente Vrignon.