Ang Lee de retour avec un thriller érotico-élégant
·Le cinéaste taïwanais Ang Lee brouille à nouveau les cartes avec Lust, caution
Le cinéaste taïwanais Ang Lee brouille à nouveau les cartes avec Lust, caution, un élégant et sombre thriller érotique, après avoir fait sensation avec son histoire d’amour entre deux cow-boys, Le Secret de Brokeback Mountain, couronné par l’Oscar du meilleur réalisateur à Hollywood. Ces deux films ont valu à chaque fois au réalisateur de 53 ans un Lion d’or, la récompense suprême de la Mostra Venise.
Loin des amours homosexuelles dans les majestueux paysages du Wyoming des années 60, Ang Lee, dont le film sort aujourd’hui dans les salles, a choisi l’atmosphère urbaine et trouble du Shanghai des années 40 pour raconter une histoire d’espionnage et de sexe.
La longiligne Tang Wei (actrice débutante et ancien mannequin, finaliste du concours Miss Univers en 2004) y interprète une jeune comédienne devenue apprentie espionne, qui s’emploie à séduire le dangereux Mr Ille, alias Tony Leung (icône du cinéma asiatique et collaborateur régulier de Wong Kar Wai, notamment dans le film culte In the mood for love).
Avec ce personnage puissant et trouble, proche de l’ennemi japonais pendant la Seconde guerre mondiale, elle entame une liaison perverse où chacun manipule l’autre, dans un thriller tiré d’une nouvelle éponyme d’Eileen Chang (1920-1995). "Je ne connais pas d’écrivain chinois contemporain plus respecté, aimé et discuté", dit d’elle Ang Lee dans les notes de production.
Le film de plus de deux heures et demie mêle de belles scènes de corps à corps amoureux à une peinture amère de l’engagement idéologique. "Le titre original, Se, Jie, ne fait pas seulement référence à l’amour et au sexe, mais aussi à la vie et à l’art, ŒLa soif de vivre’, ŒLa prudence en société’. Et tout cela est aussi le point de vue d’une femme", explique Ang Lee. Inexpérimentés mais prêts à tout par exaltation patriotique, les jeunes héros de Lust, caution apprennent à leurs dépens qu’assassiner un homme, tout "traître" qu’il soit, est une bien triste besogne.
Cinéaste natif de Taïwan installé aux Etats-Unis depuis 1978, Ang Lee, imprégné d’une double culture, alterne films aux thèmes américains (Ride with the Devils) et asiatiques tels que Tigre et dragon (2000), tiré de récits de chevalerie chinoise. D’ailleurs, il souligne qu’il a aussi voulu faire ¦uvre de transmission avec Lust, caution : "Les jeunes acteurs du film apprenaient beaucoup sur la Chine de leurs grands-parents, ce qui était très émouvant pour moi. La Chine a vécu beaucoup d’épreuves et des choses se sont perdues ; si cette génération ne se connecte pas avec le passé, laquelle le fera ?" Il avait cité ses maîtres en dédiant en septembre dernier son Lion d’or au réalisateur suédois Ingmar Bergman, décédé quelques semaines plus tôt. C’est un Français, Alexandre Desplat, qui a composé la musique du film. Il a notamment travaillé avec Jacques Audiard avant d’être remarqué à l’étranger et de signer entre autres les musiques de La Jeune fille à la perle, Syriana, The Queen (une nomination aux Oscars) ou A la croisée des mondes : la Boussole d’or.
|