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Le JPB > Culture 2007-10-06
Sorto, l’écriture en forme de faille
·L’écrivain bayonnais publie Les papiers d’Orléans, mise en réflexion du Spectacle dont vous êtes le héros, d’Androphyne

Rien n’est innocent. Des papiers sont des papiers. Pas plus et bien autre chose chez Manuel Sorto. C’est le lot de l’écrivain, chaque nuit appelé à l’envol de l’esprit, chaque matin rappelé à la réalité de son support ou de son identité. "N’importé pas" lance-t-il régulièrement avec un accent à couper au couteau, et des idiomatismes castillans qui l’ont toujours rattaché à sa terre volcanique d’origine, le Salvador.

Depuis les accords de paix en 1992, Sorto n’y est plus persona non grata. C’est égal, sa vie est ici, en Euskal Herria, où il atterrit en 1987 après sept ans d’exil mexicain et au terme d’une première vie créative dont le théâtre et le cinéma se taillent la part du lion (réalisation, autoproduction). Des documentaires, notamment sur la guerre civile de son pays, lui valent une reconnaissance montante (La decision de vencer, prix de la Critique française en 1982), mais stoppée dans son envol par un échec de production en 1988.

Apprendre la langue française et continuer, bon gré mal gré. Attaché de presse au Festival la CITA (à l’époque de Pierre-Henri Deleau en 1987-88), enseignant un temps au BTS audiovisuel de Cassin, juré au FIPA lorsque celui-ci était à Cannes... Apprenant à connaître la militance locale, quelques chroniques à Egin, puis Gara. Et puis tout de même manger, boire... La vie d’exil. "Exilé poétique" : il a fait sien ce portrait peint à la volée dans le JPB il y a dix jours, ravi : "c’est ça, c’est ça !"

20 ans que les Bayonnais croisent Manuel Sorto, figure locale s’il en est, battant le pavé basque pour le meilleur, le pire et la poésie, dont il use comme dessinateur, peintre, écrivain. Publier ? Le français n’est pas sa langue d’écriture et les traducteurs manquent lorsque manque l’argent. Et puis l’argent, c’est du temps. 2007, nouvelle donne, rebond au sein de la chute libre. Pour le coup, son fils Camillo Sorto et la mère de son fils, l’écrivain Pantxika Cazaux, se sont attaqués à sa prose salvadorienne. De là la version bilingue pour la publication des Papiers d’Orléans, ce 10 septembre dernier. Une ¦uvre qui semble briser ce cercle du temps lancinant, tout en restant fidèle à la manière préférée de Sorto : le mélange. Journal, récit, recueil de poèmes... C’est un document sur la création, que l’on peut lire avec ou sans connaître le spectacle dont il raconte les coulisses. Une histoire compliquée, comme Sorto aime à provoquer. Il rencontre Pierre-Johann Suc et Magali Pobel en 1998. Le jeune couple étudiant la danse à Angers crée la compagnie Androphyne. Depuis, Sorto accompagne leur parcours de chorégraphes, leur apportant son expérience d’homme de théâtre et d’image. En 2006, pour une 3e fois Androphyne fait appel à lui. Son rôle ? "Docteur Casse-Couilles", mais sur un programme, c’est "metteur en réflexion". Le grain de sable dans l’engrenage collectif du Spectacle dont vous êtes le héros. De résidence en résidence, entre Bourdalat dans les Landes, Bordeaux, Pantin et surtout Orléans, Sorto fait ce qu’il veut.

Matière poétique

Un jour, Magali Pobel voit l’un de ses carnets. Davantage qu’un support de travail. Une matière poétique apparemment décalée, en faux pas chassés. ça tombe bien pour des chorégraphes dont le boulot est d’inventer des mouvements différant une chuteŠ Ces carnets, si on en faisait un livre et qu’on l’éditait? Pas si simple. Des notes à l’¦uvre, il y a une marge. L’écriture est un jeu très sérieux. Le lecteur le sent le livre entre les mains. Bel objet, nanti de photos noir et blanc de Guy Delahaye et d’un CD de la bande originale du spectacle.

Sorto raconte ses collègues danseurs, techniciens, musiciens, affublés de pseudonymes pour la gloire. Il dessine des gueules, portraiture des personnalités, croque des choix artistiques, décrit des instants et saisit des airs du temps. Il raconte les ombres et les lumières du travail d’une troupe, sans distinction de petits ou de grands moments. Belles fulgurances de style et d’images. Un verbe fort et dense qui n’en est pas pour autant hiératique : tout en mouvement, lent et rapide comme une coulée de roche en fusion, grâce au rythme d’une narration clandestine, suivant la faille intime de l’écrivain. Car l’éclatement formel est à la mesure du spectacle qu’il raconte: un "bordel organisé". Là est l’un des talents de Sorto : pratiquer une poésie qui fond le lyrisme et la circonstance. On ne s’évade pas du réel, pas plus qu’on en subit la dictature réaliste. Le monde ne se change pas, il se transforme.



"L´ironie compense le drame"

Magali Pobel et Pierre-Johann Suc / Androphyne.

Le spectacle dont vous êtes le héros a été donné au festival de danse de Biarritz Le Temps d’aimer. Une étape de la tournée hexagonale de la compagnie Androphyne, qui signe là un opus éclectique où la danse est pas, gestes, sons, lumières, images et mots. Enchaînement touffu mais stylisé, déclinant toutes les manières de représentation. Qui n’est plus manipulé ? C’est ce que nous avons demandé entre les lignes aux deux chorégraphes du groupe, aidés par un autoproclamé "Dr Casse-Couilles", alias Sorto.

Votre spectacle, est-ce de la danse ou du théâtre ?

Magali Pobel : C’est un spectacle.

Pierre-Johann Suc : Par contre, on a une formation de danseurs...

Et comment avez-vous évolué vers cette forme hybride ?

M.P. : C’est venu petit à petit. D’abord le texte, puis la vidéo, puis les musiciens sur scène...

Le texte est primordial ? Vous l’écrivez ?

P-J.S. : Non. C’est toujours instinctif. L’écriture, pour nous, c’est les mots appréhendés corporellement. Cela vient au fur et à mesure du travail avec les danseurs qui s’approprient leur personnage.

Est-ce de la direction d’acteur ?

M.P. : Tout se fait en improvisations, même si nous donnons une direction générale.

P-J.S. : Il y a une trame... Lors de la première résidence, on avait mis plein d’outils sur le plateau : un vrai "parc d’attractions pour danseurs".

M.P. : On leur a dit : faites ce que vous voulez ! Mais on n’est pas partis de rien. On est partis de la Cène, de Léonard de Vinci. Tout le monde avait une reproduction!

Manuel Sorto : Oui, et aussi le travail sur les évangiles de Luc et Matthieu !

Vous êtes en constante négociation avec l’équipe ?

P-J.S. : Toujours. Mais il n’y a que comme ça que tu tiens l’énergie sur le plateau.

Manuel Sorto en "metteur en réflexion" : une manière de vous mettre à votre tour en difficulté ?

M.P. : Oui, sinon, on peut avoir tendance à s’enfermer dans des schémas. Et de ce point de vue-là, Manuel a parfaitement joué son rôle.

P-J.S. : Il n’a pas le regard du chorégraphe et ça c’est intéressant. Il nous disait sans détour : "ça je n’y comprends rien" ou "ça c’est nul"Š

Le sacrifice semble être le motif principal du spectacle, notamment avec l’utilisation du vin, qui a tout pour sombrer dans le gothique. Il n’en est rienŠ

P-J.S. : Le vin était avant tout une boisson avec laquelle on jouait.

Grâce à l’élan comique ?

M.S. : Pas comique : ironique. Et ça va jusqu’au grotesque !

P-J.S. : Le comiqueŠ ou l’ironie compense le drame qui se passe sur scène. Nous travaillons beaucoup sur le pathétique. L’exemple le plus fort, c’est la scène du cours de jazz qui se transforme en séance de reprise de confiance en soi, de "coaching personnalisé". ça a des relents pathétiques qui sont de notre époque.

Et Klein ? Avec un nouveau jeu sur ses anthropométries, il revientŠ

P-J.S. : Oui, je l’aime beaucoup, à tous points de vue. La notion de performance, son goût de la mise en scène et celui de créer sur le rien.

M.P. : Le vide !

P-J.S. : Oui, le vide. Je trouve ça dément qu’il ait créé un journal sur ça ! [fausse édition du Journal du dimanche en 1960, où Klein édite le photomontage de son Saut dans le vide, ndlr].

Un rien qui implique le recours à presque tout : danse, théâtre, musique et arts plastiques.

P-J.S. : Šla magie, le cirque...

Šet les arts martiaux, utilisés pour l’un des moments les plus forts de danse. Sinon le tango. La danse est un combat ?

M.P. : Non, c’est la vie qui est un combat.

P-J.S. : Regarde la Cène. Qu’est-ce qui s’est passé à cette époque? Ces gens-là [les apôtres], c’était déjà le combat actuel : amour, gloire et beauté... Et en même temps, c’est plus complexe que ça, forcément. Mais il y a cette énergie dans la fresque de Vinci.

Un combat social ? C’est ce que vous appelez la manipulation ?

M.S. : J’ajoute que le spectacle lui-même est une manipulation : pas de début, pas de fin....

P-J.S. : Šet des contretemps. Par exemple le combat qui se finit sur l’image de la tétée [référence aux "charités" en peinture], sur une musique de Pink Floyd, ce qui peut être aussi très kitsch...

Donc dangereux ?

P-J.S. : On est toujours à la limite, on travaille sur les limites...
 
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