Gara: Latest news - Printed edition  |  Le Journal |  Documents
Google
EUS | ES | FR | ENG
 » PRINTED EDITION
  - Index
  - Sujet à la une
- Basque Country
- Local
- Opinion
- Culture
- Sports
 » DOCUMENTS
 » Hemeroteka
Le JPB > Sujet à la une 2007-09-15
Les agrocarburants ne préservent pas forcément l´environnement
·La production de bioéthanol, dont une usine vient d’ouvrir à Lacq, consommerait plus d’énergie qu’elle n’en fournit

Ils sont sur le haut de la vague. Les agrocarburants présentés comme l’alternative écologique au pétrole attirent pourtant de plus en plus les critiques. Leur bénéfice énergétique est contesté, les conséquences économiques de leur culture décriées et leur impact sur l’environnement, notamment dans les pays du Sud, carrément dénoncé (lire aussi ci-dessous).

Si tous les agrocarburants ne se valent pas, les bioéthanols sont une cible privilégiée des critiques, en particulier le bioéthanol de maïs dont une usine vient de voir le jour à Pardies près de Lacq. Les producteurs de maïs basques en sont en partie les fournisseurs via la présence du groupe Lur Berri parmi les actionnaires de l’entreprise Abengoa Bioenergy France.

Des agrocarburants sont aussi produits dans d’autres exploitations du Pays Basque. Il s’agit ici d’expérimentations menées à base de tournesol ou de colza et servant à fournir de l’huile végétale pure (lire entretien ci-contre). Elle permet, mélangée à du fioul, d’alimenter les moteurs diesel, l’éthanol concernant lui les moteurs essence.

L’une des particularités de la production d’éthanol réside aussi dans le fait qu’elle est industrielle et soutenue par de puissants organismes agricoles tels l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs), l’une des branches les plus puissantes de la FNSEA. En effet, le "bioéthanol" offre un débouché intéressant et sûr pour les maïsiculteurs. L’usine de bioéthanol de Lacq, si elle est détenue à 56% par l’espagnol Abengoa Bioenergy (qui possède aussi d’autres sites de production de bioéthanol sur le port de Bilbo), est aussi la propriété à 35% du regroupement Océol (formé des collecteurs de maïs Maisadour, Euralis, Lur Berri, Vivadour et Ets Lacadée), d’Aquitaine Industrie Innovation et de l’AGPM. Son implantation a été fortement soutenue par le Conseil général.

"Le maïs a perdu un débouché au Royaume Uni avec la fermeture d’une usine d’amidonnerie. L’usine de Lacq arrive au moment où il y a besoin d’un nouveau débouché", confirme Claude Lacadée, ancien directeur adjoint de l’AGPM et en charge du projet de Lacq. Il assure toutefois que l’usine ne nécessitera pas de surfaces nouvelles de maïs. "Nous fournirons avec les surfaces actuelles. Peut-être la production destinée à l’alimentation animale diminuera-t-elle", ajoute-t-il.

L’usine qui tourne depuis mai dernier à produire de l’alcool vinique ne fournira de l’éthanol de maïs qu’à partir d’août 2008. Elle prévoit de fournir 200000 tonnes du carburant à partir de 450000 tonnes de maïs. "C’est une opportunité pour les agriculteurs évidemment mais aussi pour le bassin de Lacq qui cherche la reconversion. 80 emplois directs seront créés", déclare Claude Lacadée.

Pourtant un rapport de mai 2006 réalisé conjointement par le Conseil général des Mines, l’Inspection générale des Finances et le Conseil général du Génie Rural des Eaux et Forêts était très critique sur la création de telles usines. Il ne les préconisait d’ailleurs pas.

"Tous les rapports démontrent aujourd’hui sans ambiguïté que la production d’éthanol à partir de grain de maïs est une solution du passé qui ne peut se perpétuer que dans des usines déjà existantes en partie ou totalement amorties. La construction d’une nouvelle usine serait donc une erreur qui risque de coûter cher à moyen terme soit par sa faillite, soit par l’obligation de maintenir sa rentabilité grâce à des investissements publics" écrivent les auteurs du rapport.

Pour les écologistes, l’usine de Lacq ne serait qu’un moyen de "faire du blé avec du maïs".

"L’éthanol à base de grains de maïs nécessite plus d’énergie qu’il n’en produit ! Ce procédé confisque des fonds qui seraient plus utiles ailleurs. Le seul but est de maintenir une activité agricole qui engraisse semenciers, chimistes, irrigants et bientôt producteurs d’OGM", affirme Christian Berdot, l’un des responsables aquitains de la fédération d’associations écologistes Les Amis de la Terre. Sans compter que le maïs est une culture particulièrement gourmande en eau.

En effet, c’est bien le bénéfice énergétique potentiel du bioéthanol qui est à la base des critiques. Selon l’Ademe, l’éthanol de blé a un rendement énergétique de 2 (pour une unité d’énergie dépensée pour produire le bioéthanol, celui-ci va en fournir deux) mais selon l’Inra (Institut National de la Recherche Agronomique), le rapport ne serait que de 1,19 alors qu’il est de 4 voire de 6 dans le cas des huiles végétales pures. S’agissant du maïs, une étude de l’université Cornell de New York affirme même que la production d’un litre d’éthanol nécessite 1,3 litre de pétrole, soit un rendement négatif. Ce carburant réchaufferait donc davantage la planète que l’essence...

Enfin, les agrocarburants inquiètent aussi par le fait qu’ils induisent des hausses de prix des denrées alimentaires. En Allemagne, des représentants des groupes de meuniers, des boulangeries industrielles, des producteurs de sucreries et d’alimentation animale se sont rassemblés en vue de créer le "Netzwerk Lebensmittel-Forum" (Forum pour la nourriture), dont l'un des objectifs majeurs est de faire prendre conscience des dangers associés au fait de remplacer l’agriculture destinée à l’alimentation par la production de biocarburants. Un rapport publié le 4 juillet dernier par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) stipulait en effet que "la progression de la demande de biocarburants entraîne une mutation radicale des marchés agricoles, susceptible d’induire une hausse des prix mondiaux de nombreux produits agricoles" d’où des effets directs sur les biens alimentaires. Face à cette hausse des prix, les agriculteurs ne sont pas tous logés à la même enseigne. L’augmentation est évidemment favorable aux producteurs de cultures énergétiques mais elle implique des coûts supplémentaires et une baisse de revenus pour les agriculteurs qui ont besoin de ces cultures pour nourrir leur bétail.



Un problème éthique
L’engouement pour les agrocarburants dans les pays du Nord a des conséquences directes et très négatives pour les pays du Sud dont les surfaces agricoles servent déjà largement plus les intérêts des économies occidentales que ceux des populations locales. Une grande partie des agrocarburants consommés au Nord seront ainsi produits au Sud renforçant la pression foncière et menaçant des écosystèmes déjà fragilisés. Mais c’est aussi la souveraineté alimentaire qui est en jeu. Selon une étude de deux professeurs d’économie à l’université du Minnesota (Etats-Unis), "remplir le réservoir d'un 4x4 avec 94,5 litres d'éthanol pur nécessite environ 204 kg de maïs, soit suffisamment de calories pour nourrir une personne pendant un an".

Si les cours du pétrole restent à un niveau élevé, "l'accroissement rapide de la production mondiale de biocarburant va faire monter les prix du maïs de jusqu'à 20% d'ici à 2010 et de 41% d'ici à 2020", pronostiquent les auteurs de l’étude. Les cours des autres denrées alimentaires, tels le blé et le riz, pourraient eux aussi être touchés par cette flambée, au fur et à mesure que les agriculteurs délaisseront ces cultures au profit du maïs. Or, selon les auteurs, "le nombre de personnes confrontées à des problèmes de sécurité alimentaire augmenterait de 16 millions pour chaque hausse de 1% des prix réels des produits de première nécessité. Cela signifie que 1,2 milliard de personnes pourraient régulièrement souffrir de la faim d'ici à 2025, soit 600 millions de plus que ce qui était prévu".

Au Brésil, devenir le premier producteur de biocarburants au monde ne s’est pas fait sans heurts. Les immenses fazendas des riches propriétaires ont expulsé les petits paysans qui vivaient de la culture vivrière. Dans le Nordeste, des centaines de milliers de familles sont tombées ainsi dans la misère, perdant leur source de revenu.

Les conséquences écologiques ne sont pas moindres. La fédération écologiste WWF a par exemple dénoncé le développement inconsidéré des plantations de palmiers à huile, de soja ou de canne à sucre par la destruction de millions d’hectares de forêts tropicales.

En Indonésie, le gouvernement prévoit de détruire 16,5 millions d’hectares de forêt tropicale pour planter des palmiers à huile dont les trois quarts de la production sont destinés à l’exportation. Des milliers d’habitants des régions victimes de la déforestation massive ont été expulsés de leurs terres et près de 500 Indonésiens ont été torturés lorsqu’ils ont tenté de résister.

Dans quelque temps, rouler "bio" pourrait signifier utiliser un carburant végétal provenant de l’une des destructions écologiques et sociales les plus graves de ces dernières années.


 
Print
 
...More news
Culture
Fenêtre ouverte sur l’Argentine de Robles
Culture
Xabaltx se remonte la Manche
Pays Basque
Autonomie, foncier et élections au menu de la rentrée de Batasuna
Sports
"Je suis extrêmement déterminé à me battre jus qu´au bout pour des garçons qui le méritent"
Pays Basque
Socialistes en ordre de bataille sur le BAB
Sujet à la une
Les agrocarburants ne préservent pas forcément l´environnement
  © 2006 Baigura | Contact | About us | Advertise