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Le JPB > L'opinion > Tribune Libre 2008-03-27
Santiago Alba Rico / Philosophe et écrivain espagnol
Déclaration de principe d´un intellectuel espagnol

Je ne condamne pas le roi Fahd, honoré par le roi d’Espagne, qui taille les têtes, coupe les mains et arrache les yeux, qui humilie les femmes et bâillonne les opposants, qui fait l’important en l’absence de périodiques, de parlement et de partis politiques, qui viole les Philippines et torture Indiens et Egyptiens, qui dépense le tiers du budget de l’Arabie Saoudite entre les 15000 membres de sa famille et finance les mouvements les plus réactionnaires et violents de la planète. Je ne condamne pas le général Dustum, allié des USA en Afghanistan, qui a asphyxié dans un container mille prisonniers talibans auxquels il avait promis la liberté y qui sont morts en léchant les parois métalliques de leur prison. Je ne condamne pas la Turquie, membre de l’OTAN et candidat à l’UE, qui a rayé 3.200 villages kurdes de la surface de la terre dans les années 90, qui a laissé mourir de faim 87 prisonniers politiques et emprisonne celui qui ose transcrire en Kurde le nom de leurs villes. Je ne condamne pas le sinistre Kissinger, l’assassin le plus ambitieux depuis Hitler, responsable de millions de morts en Indochine, au Timor, au Chili et dans tous les pays dont le nom est sorti une ou autre fois de ses lèvres. Je ne condamne pas Sharon, homme de paix, qui dynamite les maisons, déporte les civils, arrache les oliviers, vole l’eau, mitraille les enfants, pulvérise les femmes, torture les otages, brûle les archives, fait exploser les ambulances, rase des camps de réfugiés et caresse l’idée "d’extirper le cancer" de trois millions de Palestiniens pour renforcer la pureté de son état "juif". Je ne condamne pas le roi Gienendra du Népal, éduqué aux USA, qui le mois dernier a exécuté sans jugement 1.500 communistes. Je ne condamne ni la Jordanie ni l’Égypte qui bastonnent et emprisonnent ceux qui manifestent contre l’occupation de la Palestine par Israël. Je ne condamne pas le Patriot Act ni le programme TIPS, ni la disparition de détenus par le FBI, ni la violation de la Convention de Genève à Guantànamo, ni les tribunaux militaires, ni la "licence pour tuer" accordée à la CIA, ni la fouille de tous les touristes qui entrent aux USA, en provenance d’un pays musulman. Je ne condamne pas le coup d’Etat au Venezuela ni le gouvernement espagnol qui l’a appuyé, ni les journaux qui, ici et là, ont financé, légitimé et applaudi la dissolution de toutes les institutions et la persécution armée des partisans de la Constitution. Je ne condamne pas la compagnie états-unienne Union Carbide qui, le 2 décembre 1984, a assassiné 30.000 personnes dans la ville indienne de Bophal. Je ne condamne pas l’entreprise pétrolière états-unienne Exxon-Mobil accusée de séquestrer, de violer, de torturer et d’assassiner des dizaines de personnes qui vivaient dans un édifice propriété de la compagnie dans la province de Aceh (Indonésie). Je ne condamne pas l’entreprise Vivendi qui a laissé sans eau tous les quartiers pauvres de La Paz, ni Monsanto qui a laissé sans semence les paysans de l’Inde et du Canda, ni Enron qui, après avoir laissé sans lumière une demi-douzaine de pays, a laissé 20.000 personnes sans leurs économies. Je ne condamne pas les entreprises espagnoles (BBVA, Endesa, Telefonica, repsol) qui ont vidé les caisses de l’Argentine, obligeant les Argentins à vendre leurs cheveux aux fabricants de perruques et à se disputer un cadavre de vache pour pouvoir manger. Je ne condamne pas la maison Coca-Cola qui est entrée en Europe dans l’ombre des tanks nazis et qui licencie, menace et assassine aujourd’hui des syndicalistes au Guatemala et en Colombie. Je ne condamne pas les grands laboratoires pharmaceutiques qui se sont mis d’accord pour tuer 20 millions d’Africains malades du SIDA. Je ne condamne pas l’ALCA qui viole et dépèce les ouvrières des "maquilladoras" de Ciudad-Juarez et fait naître des enfants sans cerveau à la frontière du Mexique avec les USA. Je ne condamne pas le FMI ni l’OMC, providence de la famine, de la peste, de la guerre, de la corruption et de toute la cavalerie de l’Apocalypse. Je ne condamne ni l’UE ni le gouvernement des USA qui mettent les accords commerciaux au-dessus des mesures pour la protection de l’environnement et qui ont décidé, sans referendum ni élections, l’extinction d’un quart des mammifères sur la Terre. Je ne condamne pas les tortures sur Unai Romano, jeune Basque qui, il y a un an, fut transformé en ballon tuméfié dans un commissariat espagnol, défiguré à un tel point que ses parents le reconnurent uniquement à un grain de beauté sur son visage. Je ne condamne pas le Gouvernement espagnol qui, au mois d’avril, a mis en place l’état d’exception sans consulter le Parlement et a suspendu pendant trois jours les droits basiques de notre Constitution (liberté de mouvement et d’expression), avec la circonstance aggravante que les Basques ne pouvaient se rendre à Barcelone à l’occasion du dernier sommet de l’UE. Je ne condamne pas la loi sur les Etrangers qui expulse les hommes faibles et affamés, les enferme dans des camps de rétention ou les prive du droit universel à l’assistance sanitaire et à l’éducation. Je ne condamne pas le "coup de décret" qui précarise encore plus l’emploi, supprime les aides et laisse les travailleurs, comme des feuilles mortes, à la merci des caprices du vent des chefs d’entreprise ; Je ne condamne pas, naturellement, Dieu quand il pleut, quand il y a des éclairs ou le tonnerre, ni quand la terre tremble, ni quand le volcan crache ses flammes sur les hommes. Je suis un démocrate : peu m’importe la mort d’enfants qui ne sont pas espagnols ; peu m’importe la persécution, le silence sur l’assassinat de journalistes et d’avocats qui ne pensent pas comme moi ; peu m’importe l’esclavage de deux millions de personnes qui ne pourront jamais acheter mes livres ; peu m’importe l’atteinte aux libertés du moment que je manie librement les ciseaux ; et peu m’importe la disparition d’une planète sur laquelle je me suis tant amusé. Je suis un démocrate : je condamne ETA, ceux qui l’appuient ou qui gardent le silence, même s’ils sont muets de naissance ; et j’exige, en outre, qu’on prive de leurs droits de citoyens 150.000 Basques, qu’on les empêche de voter, de manifester et de se réunir, qu’on ferme leurs bars, leurs journaux, leurs périodiques, et même leurs garderies ; qu’on les mette vite en prison, eux et tous leurs camarades (du jeune militant anti-globalisation à l’écrivain affirmé) et que, si ce n’est pas suffisant pour protéger la démocratie, on demande l’intervention humanitaire de nos glorieuses forces armées, déjà auréolées de la reconquête de l’île Perejil. Je suis un démocrate : j’ai condamné ETA. Je suis un démocrate : je n’ai condamné qu’ETA et je fais partie, par conséquent, de toutes les autres bandes armées, les plus sanguinaires, les plus cruelles, les organisations terroristes les plus destructrices de la planète. Je suis un démocrate. Je suis un connard.


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