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Le JPB > L'opinion > Tribune Libre 2006-11-23
Xabi LARRALDE / Porte-parole de Batasuna
Le masque d’Alain Lamassoure tombe

C’est notamment à l’occasion de périodes un peu charnières au niveau historique que la véritable dimension des responsables politiques peut se révéler. On aurait par exemple sûrement dû se méfier beaucoup plus d’un François Mitterrand qui, alors qu’il était ministre de l’intérieur de P. Mendès-France (1954-1955), déclarait à propos de l’Algérie : "l’Algérie c’est la France. Et la négociation avec les rebelles c’est la guerre". A contrario, n’est-il pas surprenant que ce soit un Charles De Gaulle qui ait permis à l’Algérie d’accéder à l’indépendance ?

Toutes proportions gardées, les six mois qui viennent de s’écouler en Pays Basque sont aussi tout à fait intéressants, car ils permettent de visualiser en particulier le positionnement des notables locaux d’Iparralde. Au niveau des déclarations publiques d’abord, on pourrait établir un tableau d’honneur des perles qui ont été entendues. Avec l’affirmation suivante, M. Brisson se situerait sans nul doute en haut du classement : "Pour entreprendre un cheminement vers la paix, faut-il encore se trouver dans une situation de guerre". Ce qui signifie en clair que, comme l’affirment certains politiques en "off" mais des fois aussi en "on", "nous ne sommes pas concernés par le processus, il n’y a pas ici d’attentats, donc pas de conflit". L’argument avancé par M. Brisson est "dangereux", puisqu’il contient implicitement la réponse à la question suivante : "qu’aurait-il fallu pour que vous vous sentiez concerné (ou que vous vous considériez en situation de conflit)?". Son argument est d’autant plus surprenant de la part d’un fervent défenseur de la démocratie, qu’il constitue un aveu explicite du fait que des expressions de nature strictement politique (manifestations en faveur des preso, de l’euskara, d’une reconnaissance institutionnelle, etc.) ne suffisent pas à considérer qu’il y ait "problème" et donc nécessité de contribuer à sa résolution. Heureusement, les réactions de la classe politique locale ne se résument pas qu’à ce type de déclarations.

Sollicités par la démarche d’OHD (Oinarrizko Hitzarmen Demokratikoa-Accord Démocratique de Base), près de 25 maires d’Iparralde ont déjà signé un appel demandant l’implication de l’Etat français en faveur d’un processus démocratique de résolution du conflit. Parmi eux figure Kotte Ecenarro, maire PS d’Hendaye, qui n’a pas hésité à participer à une délégation montée à Strasbourg pour défendre le processus de paix auprès des institutions européennes. Au sein des personnalités politiques non abertzale qui ont eu le courage de soutenir le principe d’un véritable processus de paix en Pays Basque (c’est-à-dire d’un processus qui aborde les causes politiques du conflit), il faudrait citer aussi les femmes d’Ahotsak (parmi lesquelles des militantes des Verts mais aussi du PS des deux côtés des Pyrénées). Elles mériteraient bien plus que d’être évoquées en quelques mots. Mais gageons que l’Histoire - en tout cas celle du Pays Basque - retiendra leur nom.

En comparaison, cette même Histoire pourra juger au regard de leurs déclarations, mais surtout de leurs actes, de l’attitude peu glorieuse de certains autres. Dans cette catégorie, Alain Lamassoure mérite une mention toute particulière. Il représente en effet, une des "grandes" personnalités politiques d’Iparralde. Énarque de formation, il est connu pour ses capacités intellectuelles qu’il a pu mettre à contribution en participant à la rédaction du traité constitutionnel européen. Il faut en outre mettre à son actif une carrière déjà brillante, consacrée en partie au service des plus hautes instances de l’Etat. Il a été en particulier ministre des affaires européennes (1993-1995), ministre du budget et porte-parole du gouvernement d’A. Juppé (1995-1995). Son "esprit d’ouverture" et sa "sensibilité" envers les dossiers du Pays Basque lui valent une image positive au niveau local. À cet égard, il est, rappelons-le, Président du Conseil des élus. Mais le masque d’Alain Lamassoure est tombé à l’occasion du débat au Parlement européen concernant le processus de paix en Pays Basque, le 25 octobre dernier. Ce débat est un précédent historique dont la dimension a bien été saisie en Euskal Herria. Comme le rappelle Gérard Onesta (parlementaire européen des Verts), avec le vote en faveur du processus de paix en Irlande du Nord, ce n’est que la seconde fois que le Parlement européen se permet "d’interférer" dans les affaires "internes" de membres de l’Union.

Dans ce contexte historique donc, Alain Lamassoure a voté contre le processus de paix en Pays Basque et s’est aligné sur les thèses du Partido Popular espagnol. Par le biais de divers articles d’opinion et autres interviews (Sud-Ouest, le Journal du Pays Basque, Noticias de Gipuzkoa), il a bien tenté de justifier publiquement une position bien peu présentable. Mais malgré toutes ses contorsions, elle reste injustifiable. La motion en faveur de la paix en Pays Basque présentée par les socialistes et adoptée au Parlement européen ne présente dans son contenu aucune difficulté, même pour quelqu’un de droite. Très orientée sur la lutte contre le terrorisme, certains des députés européens (dont le Sinn Fein) collaborant à OHD se sont d’ailleurs abstenus lors de son vote. Les députés du PP s’y sont opposés, tout simplement parce qu’ils sont contre tout processus de paix quel qu’il soit. C’est donc aux côtés de Major Oreja qu’Alain Lamassoure a voté contre la paix en Pays Basque ; c’est-à-dire aux côtés de ceux qui assument totalement une culture politique directement héritée du franquisme, aux côtés de ceux qui font le pari de résoudre le "problème basque" par l’illégalisation de mouvements politiques, la fermeture d’organes de presse, etc., avec à la clé une utilisation systématique de la torture... Comme cela est-il possible de la part de quelqu’un qui a montré son attachement au Pays Basque par son implication dans les démarches "territoriales" locales (convention spécifique, Pays Basque 2020...) ? Il ne faut pas aller chercher bien loin l’explication. Tout est question d’ambition et de carrière personnelle. La seule et vraie raison ayant motivé son vote, est qu’en se positionnant en faveur de la motion pour la paix en Pays Basque, Alain Lamassoure "se grillait" et mettait en péril ses ambitions concernant la suite de sa (déjà très brillante) carrière. Voilà, un moment historique nous aura permis de connaître sa réelle "envergure" politique. Même si nous nous en doutions, nous avons la confirmation que des personnalités telles que lui ne mettront jamais leurs intérêts personnels en balance au nom du Pays Basque, même si c’est pour soutenir une démarche de paix.


 
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