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Le JPB > Sujet à la une 2008-04-05
Fermé, renforcé ou technique, voyage derrière les murs des "centres éducatifs" pour mineurs
·Reportage au Centre éducatif fermé d’Hendaye, au Centre éducatif renforcé de Came et au CET de Bayonne

Le Centre éducatif renforcé (CER) de Came

Le Centre éducatif renforcé (CER) "Bourouilla" est situé à Cames. Première surprise, c’est au milieu d’une vaste plaine dégagée, dans un décor typique de la campagne landaise, qu’est installé le centre. Deux coquettes villas de style béarno-landais accueillent 6 jeunes. Ni mur ni grille ne ceinturent l’enceinte. Les garçons sont ici placés par un magistrat: juge pour enfant ou d’instruction pour des "séjours de rupture" de trois mois et demi. 12 adultes les encadrent. Un terrain de foot et une terrasse bordent les maisons. L’intérieur est relativement coquet et chaleureux, avec, au sol, ces typiques pierres de Bidache, bien que le bâtiment date.A l’étage, de vastes chambres accueillent deux à trois jeunes. L’ensemble reflète une ambiance assez "familiale". Le point noir est l’état de la salle de bain: trois cabines de douche vieillottes face à des miroirs empêchent toute intimité. M.Touahria, directeur du centre, ne lâche pas son trousseau de clefs et referme chaque porte.

Il explicite le parcours des jeunes. A leur arrivée, un bilan de santé est effectué. Il nous fait part des nombreux problèmes de santé qu’ont ces derniers en arrivant: problèmes d’addictions, dentaires, rapport au corps. "Notre objectif, ici, est de les remobiliser et de les valoriser", explique le directeur. "C’est un moment de pause pendant lequel ils vont pouvoir se reconstruire, dans l’objectif de leur sortie du centre".

Bilan socio-éducatif

"Le premier objectif pour ces jeunes en situation de déscolarisation, est de les familiariser avec les règles de la vie sociale", note-t-il. Ils effectuent donc des stages en entreprises, font des chantiers, travaillent dans une ferme équestre ou à la coupe du bois de chauffage pour la maison de retraite voisine. L’autre versant du projet éducatif est basé sur la pratique de sports à risques, effectuée avec des intervenants extérieurs: moto, escalade, quad, sports de combat, musculation sont quelques-unes des activités proposées "Ils y apprennent la solidarité, le travail de groupe et se responsabilisent aux règles de sécurité", souligne M.Touahria. Les règles de vie sont ici "des leviers éducatifs" insiste-t-il. Mais que l’on ne s’y trompe pas, on est très loin de la colonie de vacances. Le temps est réparti à80% autour du travail et à20% autour des activités.

Si la direction reconnaît qu’il peut y avoir des violences verbales, elle dément tout climat de violence physique. Car le cadre pénal reste omniprésent. Le centre reçoit la visite régulière de magistrats et de gendarmes et si le jeune ne respecte pas les termes du "contrat", il doit repartir, ce qui peut signifier pour lui une mise en détention.

Séjour sous surveillance

"Tout geste délictueux appelle une réponse de la part de l’équipe éducative" explique M.Touahria. Les jeunes peuvent porter plainte et les adultes aussi. Si le directeur dément "tout systématisme" dans la sanction, celle ­ ci peut prendre la forme d’une réparation symbolique ou physique. C’est le magistrat en dernier lieu, qui détient le pouvoir de lever le placement. Ils n’ont pas accès ni au téléphone portable ni à internet, mais leurs parents peuvent les appeler. Si techniquement, il n’est pas dur pour les jeunes de s’enfuir, M.Touahria souligne "qu’ils en connaissent les conséquences". A savoir la mise en détention.

Ce matin-là, les jeunes vont bientôt quitter le centre et ont le droit de faire une grasse matinée. Comme ailleurs, ils se méfient de la presse et c’est avec réticence et méfiance qu’ils lâchent quelques mots. Ils se lèvent et ne sont pas très affables L’un allume la télé et vient s’asseoir sur le canapé au cuir vieilli. Ils n’ont pas été prévenus de la visite La démarche traînante, ils viennent se servir un café et présentent leurs cartes de visite "je viens du 9/3" "moi du 9/5" etc.. A la question de savoir s’ils se sont plu dans le "6/4", l’un d’eux répond négativement: "on n’est qu’entre mecs, les uns sur les autres. Il me tarde de rentrer chez moi. C’est dur mais toujours mieux que la prison" confie Jérôme (les prénoms des mineurs ont été changés). Ils se plaignent unanimement "du manque de meufs", bien qu’une éducatrice soit présente et soit gentiment chambrée. Celle-ci défend son travail éducatif et nie quelque rôle répressif que ce soit.

Centre Educatif Technique (CET) de Bayonne

A Bayonne, le CET Centre éducatif technique est le premier centre ouvert par Philae en 1995. Celui-ci accueille 20 garçons et filles de 16 à 21 ans et est placé sous la tutelle de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et du Conseil Général. Le public visé n’est pas le même qu’en CER ou en CEF. Si certains ont commis des actes délictueux et sont placés par un magistrat sur la base de l’Ordonnance de 1945, la majorité est là à cause d’un placement administratif sous la houlette du Conseil Général, suivant une préconisation de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), ou une mesure de protection des mineurs ou de l’aide à jeune majeur. Les motifs de placement sont souvent dus à des problèmes sociaux ou familiaux. L’hébergement y est diversifié: certains vivent en famille d’accueil, d’autres dans leurs familles ou dans des studios gérés par l’association.

La formation à l’honneur

Les jeunes majeurs représentent 30 à 40% de l’effectif. La majeure partie de ceux-ci vient du Bab ou de la Côte basque. Ils peuvent rester au Centre durant 18 mois. L’ambiance n’est plus la même et on s’y sent comme dans n’importe quel centre de formation. Ce n’est pas la rupture qui y est à l’ordre du jour, mais la continuité de l’action éducative. Les jeunes y bénéficient de la même aide pscyho-médicale. Les locaux situés dans le quartier St Bernard en bordure d’Adour, sont vastes et fonctionnels. Le jeune y suit un parcours en trois étapes, de l’évaluation jusqu’au diplôme. Quatre ateliers canalisent les jeunes vers un CAP: le bois, la mécanique marine, les matériaux composites et la petite enfance. Une auto-école associative permet aussi aux jeunes de passer leur permis pour la modique somme de 300euros. Les jeunes ont le statut de stagiaire de la formation professionnelle et touchent une rémunération comprise entre 360 et 800euros. Ils travaillent dans les ateliers en petits groupes de 3 ou 4. A l’atelier bois, un jeune montre la chaise de style africain qu’il s’est construite. A l’atelier de mécanique, deux jeunes et un éducateur retapent des moteurs de bateaux et apprennent les bases de la mécanique navale autour de projets concerts. Un hors-bord de compétition a ainsi entièrement été refait par les jeunes de l’équipe, jusqu’à participer au Championnat de France, gagné il y a deux ans. Ils peuvent aussi y passer leur permis bateau. Ils paraissent motivés par ce qu’ils font et lancent un appel à sponsor pour leur bateau.



Derrière les murs du Centre éducatif fermé (CEF) d’Hendaye
Cela ressemble un peu au bout du monde. C’est au milieu de la zone industrielle transfrontalière, coincé entre la voie ferrée et la Bidassoa, entre gravats et containers, que se dresse le CE d’Hendaye. Avant même d’entrer, on sent que l’on a changé de registre. Les murs sont hauts et surmontés de barbelés. A peine la porte passée, l’odeur de renfermé prend à la gorge. Il s’agit d’un ancien centre militaire de marine. Les plafonds sont bas et oppressants. Malgré les efforts de rénovation faits, le bâtiment transpire une autre époque. Le public visé est lui aussi d’un autre domaine. Ici, les jeunes peuvent avoir commis un homicide, un viol, une agression sexuelle, ou un vol avec violence. Pour eux, le choix a été mince: la prison ou le CE. Certains viennent directement de la case prison. La durée de séjour est fixée à six mois renouvelables et est décidée par un juge des enfants, de la liberté et de la détention ou un juge d’instruction. Le magistrat suit durant toute la durée du séjour le parcours du jeune et est tenu informé des moindres manquements à ses obligations. Ils viennent des départements limitrophes, principalement des centres urbains. 24 adultes encadrent de 8 à 10 jeunes garçons de 16 à 18 ans. Les deux premiers mois après leur arrivée, ces derniers n’ont pas de contacts avec l’extérieur. Puis, ils peuvent passer ou recevoir des appels téléphoniques deux fois par semaine. Un salon accueille une télé et un canapé, les murs y sont austères et le tout manque un peu de fraîcheur. Les jeunes font eux-mêmes les repas en compagnie d’un éducateur spécialisé dans ce domaine. Le centre, en bordure de Bidassoa, bénéficie d’une belle vue sur le Jaizquibel et a, à disposition deux bateaux dont les jeunes se servent. Ils peuvent passer le permis bateau et faire un peu de pêche côtière. Car, ici, les activités sont axées sur le pôle mer.

Des éducateurs tenant à leur rôle

Un petit terrain de basket permet aux jeunes de se défouler. Les chambres sont semblables à celles d’un foyer de jeunes travailleurs: propres et bien tenues. Elles sont fermées toute la journée, ils ne peuvent y accéder qu’après les activités, le temps de se changer et le soir au coucher. Le sous-sol concentre les salles d’activités. Deux jeunes et un éducateur se font aider par des artisans locaux pour rénover une salle qui servira de salle de musique assistée par ordinateur. Une fresque de graffs a été réalisée avec des intervenants extérieurs au centre. Certains sont scolarisés, les autres travaillent sur des chantiers au défrichage ou au nettoyage des berges de la Bidassoa, avec la SPA, dans des exploitations forestières ou dans un atelier qui retape de vieux meubles venus des Emmaüs pour leur donner une seconde jeunesse. Une petite salle de cours leur permet, avec l’aide d’un professeur à mi-temps de se remettre à niveau. Un atelier d’écriture a aussi été mis en place.

Chaque groupe de jeunes est encadré par un ou plusieurs éducateurs. Ceux que nous croisons sont viscéralement attachés à la primauté de l’éducatif sur le répressif: "il faut arrêter la parano" confie l’une d’elle. C’est sûr on ne travaille pas dans une crèche, mais il n’y a pas plus de risques à l’intérieur qu’à l’extérieur du CEF". "On aime profondément ce que l’on fait", rajoute une autre éducatrice. "On ne s’occupe que d’éducatif. Le répressif est du domaine de la prison ». "Il faut apprendre à les connaître et créer du lien avec eux "précise une autre salariée. Ils précisent qu’ils bénéficient de sorties encadrées dans des concerts, des musées. Le directeur, M. Valere annonce clairement la couleur: "Il faut arrêter de stigmatiser ces jeunes, comme cela a été fait jusqu’à présent. Ce ne sont ni des sauvageons, comme le dit la gauche, ni des racailles comme le dit la droite. Ces jeunes n’ont pas de gènes de la criminalité en eux. Pris individuellement, ils sont adorables" rajoute M. Valère.

M. Duval est délégué CGT et secrétaire du DHSCT (Département d’Hygiène et de sécurité) et dresse un tableau un peu plus sombre: "La direction ne respecte pas le Code du travail ni les conventions collectives", argue-t-il. Et de citer des manquements aux obligations de sécurité "les détecteurs de fumée sont hors service, la porte de secours est fermée, les extincteurs ne sont pas à leur place". D’après lui, les problèmes s’accumulent et les arrêts de travail pour maladie ou dépression sont nombreux "On ne voit pas le bout du tunnel. On a eu 4 directions depuis 2003. Il y a beaucoup de tensions au sein de l’équipe". Il raconte plusieurs faits de violence, entre jeunes ou sur des éducateurs. Pour lui, "la direction prend tout çà à la légère et nos moyens sont dérisoires".

Les responsables du centre reconnaissent le problème lié aux fugues, fréquentes. Dans ce cas-là, la sanction est immédiate, puisque comme dans le CES, le dépôt de plaintes est possible de quelque partie que ce soit. Ceux qui rompent le "contrat" seront incarcérés.

La parole aux jeunes

Kevin, l’un d’eux, est plus amène que ses collègues qui refusent de s’exprimer. Il est scolarisé dans un lycée de Bayonne. Il explique que pour lui le CEF" c’est mieux que la prison. Je fais des activités que je n’aurais jamais faites avant, on sort, on va au ciné". Pour lui, c’était en effet la prison, qu’il a déjà connue malgré son jeune âge, ou le CEF. "On n’est pas enfermés dans des cellules. On a plus de liberté" confie-t-il. Il est optimiste sur sa future sortie. "Ca m’a poussé à me sortir de tout ça. Ici, on est tous des jeunes un peu nerveux. Les éducateurs s’occupent de nous". Il affirme qu’il n’y a pas de problème de violence de la part des éducateurs, bien qu’il "existe des problèmes entre les jeunes". Ce qui lui manque le plus, c’est sa famille. Ils peuvent voir ces dernières une fois par mois, si le juge le permet. "Il y a quelque temps, j’ai un peu déconné et ce mois-ci, je ne retournerai pas chez moi et ça, c’est dur". Sur la vision qu’a la société de sa jeunesse, il souligne que "les gens se font de fausses images sur les jeunes en CEF. Ils nous voient avec nos looks à capuche, un peu basanés sur les bords et ont peur. ça nous use, mais on n’y peut rien. C’est aux gens de se rendre compte qu’on n’est pas des bêtes".


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