La justice espagnole a emprisonné hier Arnaldo Otegi, le leader de Batasuna, accentuant sa pression sur la gauche abertzale trois jours après l’annonce de la fin du cessez-le-feu de l’organisation armée ETA.

Arnaldo Otegi a été interpellé en toute discrétion vers midi alors qu'il s'apprêtait à tenir une conférence de presse dans un hôtel de Saint-Sébastien. Le responsable de la gauche abertzale a immédiatement été incarcéré à la prison de Martutene (Saint-Sébastien).

Cette incarcération a été ordonnée par l'Audience Nationale, le tribunal antiterroriste espagnol, juste après la confirmation par le Tribunal suprême d'une condamnation prononcée en avril 2006 contre A. Otegi à 15 mois de prison pour "apologie du terrorisme". L’Audience Nationale avait condamné Otegi en première instance pour avoir participé, le 21 décembre 2003, à l’hommage rendu à Miguel Benaran Ordenana, alias "Argala", militant d’ETA décédé 25 ans plus tôt. Le militant était jusqu'à présent resté en liberté en raison de son appel contre cette condamnation,

L'incarcération de cet acteur clé de la gauche abertzale et du processus de paix avorté au Pays Basque, est une nouvelle manifestation du tour de vis donné par Madrid trois jours après l'annonce mardi par l'organisation basque armée ETA de la rupture de son cessez-le-feu. La riposte policière et judiciaire à l'annonce par l'organisation armée du retour à la lutte armée "sur tous les fronts" a en effet été immédiate et musclée.

Dès mercredi, la justice espagnole avait renvoyé en prison Iñaki de Juana Chaos, prisonnier en régime de semi-liberté depuis mars, après une grève de la faim, en deux temps, de près de six mois. Jeudi, trois membres présumés de l'ETA ont été interpellés dans les Hautes-Pyrénées.

Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, politiquement affaibli par la rupture du cessez-le-feu, est à la recherche d’un soutien unanime de la classe politique espagnole, notamment du Parti populaire (PP, droite), qui a axé presque exclusivement son activité d'opposition sur la lutte antiterroriste. "Je vais employer la même fermeté et la même détermination à combattre les menaces de l'ETA que j'ai employées pour rechercher la paix (...), c'est une tâche difficile qui nécessite cet appui" politique, avait déclaré mercredi le Premier ministre socialiste, avant d’appeler à un "consensus maximum". Il doit rencontrer lundi le leader du PP, Mariano Rajoy.

"Vengeance et chantage"

"Quand ETA a annoncé son cessez-le-feu, Arnaldo Otegi était en prison. Quand il a pris fin, Otegi est à nouveau en prison", a aussi commenté PernandoBarrena comme "illustration de la répression permanente du PSOE envers la gauche abertzale". Pour Batasuna, "il est plus nécessaire que jamais de mener une réflexion pour un accord politique".

De son côté, le syndicat LAB a également dénoncé l’arrestation du leader indépendantiste considérant que "l’Etat démontre, une fois de plus, qu’il se distingue mieux sur le terrain de la répression et de la démonstration de force que sur celui de l’apaisement et de la recherche de solution". Pour ELA, "alimenter la spirale de la force est une irresponsabilité".

"Personne ne croit que l’action de la Justice est indépendante des intérêts du gouvernement", selon LAB. Le syndicat abertzale estime que l’emprisonnement d’Otegi est "révélateur des envies de vengeance et de chantage qui se cachent derrière la supposée bonne volonté de Zapatero".

Le dirigeant de la coalition de gauche IU (écolo-communiste) Gaspar Llamazares, allié parlementaire du gouvernement, a jugé que l'arrestation d’Arnaldo Otegi était une réponse "hystérique" de l'exécutif.

Les indépendantistes catalans d'ERC ont déploré que Madrid "opte pour la vengeance et non pour la justice".

Pour dénoncer l’arrestation d’Arnaldo Otegi, Batasuna appelle à un rassemblement sous le slogan "la répression n’est pas la solution, résolution démocratique du conflit" à midi devant le consulat d’Espagne à Bayonne. Eusko Alkartasuna appelle également à se joindre au rendez-vous.