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Le JPB > L'opinion > Tribune Libre 2007-10-26
Jean-Claude Paye / Sociologue, Auteur de La fin de l'Etat de droit. La Dispute. Paris 2004Global War on Liberty, Telos Press. New York 2007
Passagers aérienssous surveillance

A travers les différents accords contrôlant les passagers aériens, l'Union européenne abandonne progressivement sa propre légalité, afin de permettre au droit américain de s'appliquer directement aux ressortissants européens sur le territoire de l'Union. On assiste ainsi à la mise en place d'un ordre juridique impérial qui a pour objet de placer l'espace aérien transatlantique directement sous la juridiction de l'administration des Etats-Unis.

Suite à un accord intérimaire avec la Commission de l'Union européenne, les douanes américaines ont, depuis le 5 mars 2003, accès aux systèmes de réservation des compagnies aériennes situées sur le territoire de l'Union. Il s'agit de contrôler des données liées aux comportements de passagers ordinaires, c'est-à-dire de personnes non recensées comme dangereuses ou criminelles, afin de vérifier, par rapport à un schéma théorique, si tel passager pourrait constituer une menace potentielle. Toute personne est traitée comme un criminel en puissance.

L'objectif est d’établir des "profils à risques". On détecte ainsi des individus présentant un ensemble de caractéristiques qui pourraient "justifier" une surveillance spéciale ou même une arrestation préventive à l’arrivée sur le sol américain.

Une violation de la vie privée

Le Parlement européen a manifesté plusieurs fois son opposition à cet accord en déclarant que l'accès à l’information des autorités américaines est "illégal aux termes du droit national et du droit européen sur la vie privée".

La Cour européenne de Justice a cassé cet accord en mai 2006. Mais, le jugement porte uniquement sur la forme et non sur le fond. Il rejette le texte uniquement pour "défaut de base juridique appropriée" et ne parle aucunement de la violation de la vie privée.

Ce qui a permis que, le 23 juillet 2007, l'Union européenne et les États-Unis signent un nouvel accord , cette fois dans le cadre de la coopération policière et judiciaire.

Comme c'était déjà le cas en 2004, les informations communiquées, appelées "Passagers Name Record", ne se limitent pas aux noms, prénom, adresse, numéro de téléphone, nationalité, numéro de passeport, sexe, mais comprennent les adresses durant le séjour, l'itinéraire complet des déplacements, les contacts à terre ainsi que des données médicales, le numéro de la carte de crédit et le comportement alimentaire permettant de révéler les pratiques religieuses.

Les accords de 2007 aggravent encore les dispositions de 2004. Selon un principe de disponibilité, l'ensemble des données sont consultables par toutes les agences américaines chargées de la lutte antiterroriste, alors que, sur le papier, les accords de 2004 réservaient cette consultation aux seules agences de douane.

La période de rétention des informations passe de 3 ans et demi à 15 années. En outre, ces données pourront être placées pour une durée de 7 ans dans "bases de données analytiques actives", permettant un profiling massif.

Les autorités américaines ont maintenant la légitimité de transmettre ces informations à des pays tiers. Ces derniers auront accès aux données selon les conditions de sécurité fixées par le département américain. Les compagnies sont tenues de traiter les données PNR stockées dans leur système informatique de réservation selon les demandes des autorités américaines, "en vertu de la législation américaine".

Primauté du droit américain

L'administration des Etats-Unis se réserve le droit d'avoir sa propre interprétation de l'accord conclu entre les deux parties. Cette lecture est contenue dans la lettre, placée en annexe. Ce qui a un double avantage pour le Département à la sécurité intérieure. D'une part, il peut en définir unilatéralement le contenu (conditions de traitement, de transfert, de destruction et d'extension du champ des données). D'autre part, les engagements de protection des données et de défense des droits des passagers européens n'ont aucune valeur contraignante et peuvent être modifiés unilatéralement.

Des informations concernant l'origine raciale, les opinions politiques, la vie sexuelle peuvent être utilisées dans "des cas exceptionnels" et c'est le département de la sécurité intérieure lui-même qui détermine ce qui est un cas exceptionnel.

Ces accords sont à peine signés que les Etats-Unis ont annoncé leur intention d'insérer davantage d'exceptions dans la gestion de l'Automated Targering System qui contient notamment les données des passagers aériens. Ce changement va automatiquement modifier unilatéralement le contenu de l'accord PNR. Le projet prévoit que l'ensemble de ces données puisse faire l'objet d'une seconde inspection, c'est-à-dire être vu par d'autres agences disposant de listes globales de surveillance et croisées avec des banques de données venant de pays tiers.

A travers ces modifications, il s'agit d'augmenter les pouvoirs du département de la défense. L'objectif fixé est de n'autoriser la personne à voyager qu'après que ses données PNR aient été contrôlées.

Vers des listes

d'interdiction de vol?

Il s'agirait là, si ce projet est adopté, d'une mutation qui modifie la nature même du système et, ainsi, de l'accord qui vient d'être signé. Les autorités américaines auraient la possibilité d'interdire de vol vers les Etats-Unis tout ressortissant européen, même si la personne dispose de tous les documents nécessaires. On rejoindrait ainsi le système américain. Aux Etats-Unis, les listes de passagers permettent à l'administration de déterminer arbitrairement qui peut utiliser l'avion et se déplacer. Ainsi, plus de 110000 personnes, dont une majorité de citoyens américains, ont leur mobilité perturbée ou sont interdites de vol, car elles sont reprises, soit sur une liste "de personnes à surveiller", soit sur une liste "interdit de vol" . La liste "à surveiller" contiendrait les noms de 75 000 personnes "à fouiller avec beaucoup d'attention et éventuellement à ne pas laisser monter à bord d'un avion". Les opposants à la guerre en Irak sont des cibles privilégiées de cette procédure.

A cela, on doit ajouter 45000 personnes interdites de vol, car inscrites sur une "No Flight List". Cette dernière, qui n'incluait que 16 personnes avant le 11 septembre, a d'abord été étendue aux personnes soupçonnées d'être en contact avec des organisations terroristes, puis aux opposants politiques. Les personnes ayant critiqué la politique du gouvernement sont ainsi intimidées, fouillées, arrêtées administrativement ou interdites de vol.

Le Conseil de l'Union européenne a ainsi engagé ses ressortissants dans un système qui donne aux autorités américaines la possibilité de faire évoluer cette procédure selon leurs propres finalités et ainsi, à terme, s’il n'y a aucune réaction, d'empêcher arbitrairement tout passager européen d'embarquer vers les Etats-Unis .


 
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