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Le JPB > Sujet à la une 2006-10-12
L'incroyable tragédie des "esclaves oubliés"
·Une expédition se trouve sur l’île Tromelin où s’échoua un négrier de Bayonne en 1761 qui y abandonna sa "cargaison"

Une expédition archéologique française tentera de retrouver ce mois-ci au milieu de l’océan Indien les traces des "esclaves oubliés", victimes d’une étonnante aventure sur l’île déserte de Tromelin où ils ont été abandonnés pendant 15 ans au XVIIIe siècle. Dans la nuit du 31 juillet 1761, le navire L’Utile, une "flûte" de la Compagnie des Indes orientales, fait voile vers l’Ile de France (aujourd’hui Maurice). A son bord, à fond de cale, croupissent 60 esclaves provenant de Madagascar et destinés à la vente. La mer est belle et le navire croise loin de toute terre, à quelque 600 km de Madagascar et 535 km de l’île Bourbon (La Réunion). Mais soudain, un grand vacarme réveille l’équipage : L’Utile s’est fracassé sur les récifs d’une petite île corallienne, l’île de Sable (aujourd’hui Tromelin).

L’exploration de leur nouveau domaine par les naufragés est rapide : d’une superficie de 1 km2, culminant à 6 m, l’îlot est pratiquement nu, recouvert de sable et de dépôts coralliens, avec une végétation pauvre d’herbes grasses et d’arbustes peu denses. En revanche, elle est peuplée d’oiseaux de mer, de bernard-l’hermite, et de tortues qui pondent sur ses plages.

La fabuleuse histoire du drame, raconte l’archéologue du Groupe de Recherche en Archéologie Navale (Gran) en charge des fouilles, Max Guérout, est largement documentée, dans des récits de rescapés, des dossiers des marines française et britannique.

Une des premières activités des naufragés sera de creuser un puits. Ils trouvent de l’eau "laiteuse et saumâtre à 15 pieds" de profondeur. Ils vivront au début avec les vivres tirés de l’épave, les ¦ufs des oiseaux et des tortues.

Puis l’équipage quitte l’île pour rejoindre Madagascar à bord d’une embarcation de fortune en promettant aux esclaves qu’on viendrait les chercher. Une promesse non tenue.

Ce n’est que 15 ans plus tard, le 29 novembre 1776, que les survivants - sept femmes et un bébé de huit mois - seront sauvés par la corvette "La Dauphine", commandée par le chevalier de Tromelin. "Nous voudrions essayer de comprendre comment ces gens ont survécu pour se nourrir, comment ils se sont organisés en société, comment ils se sont confrontés à la mer" alors qu’ils venaient des hauts plateaux de Madagascar, déclare Max Guérout. Pour cela, il espère retrouver entre autres les tombes des esclaves morts sur l’île.

Feu maintenu actif durant 15 ans

En arrivant sur l’île, le chevalier de Tromelin a eu la surprise de découvrir que les huit survivants étaient vêtus d’habits en plumes tressées. Ils raconteront que deux groupes de naufragés - de 18 et 7 personnes - avaient quitté l’île sur des embarcations de fortune : cordages et voiles étaient également confectionnés avec des plumes tressées. Plus surprenant encore sur cet îlot balayé 11 mois sur 12 par alizés et cyclones, et parfois submergé par les eaux : les naufragés ont maintenu pendant 15 ans un feu actif.

Pour Jean-Paul Demoule, président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) associé aux fouilles, l’îlot de Tromelin représente "un laboratoire passionnant car ces êtres, qui ne se connaissaient peut-être pas, ont dû réinventer une société sous tous ses aspects (organisation, rituels...)". Appuyées par l’Unesco et avec le partenariat de Météo-France qui dispose sur l’île d’une station météorologique, les recherches terrestres et sous-marines (www.archeonavale.org.) permettront peut-être de soulever un nouveau coin du voile sur les "oubliés" morts à Tromelin. Les survivants, dont l’enfant, sa mère et une de ses grands-mères, avaient été recueillis par le gouverneur français de l’île de France. Qui avait aussitôt fait baptiser l’enfant en lui donnant le prénom de... Moïse, rapporte Max Guérout.



Un navire construit et armé à Bayonne
I.E.

Cette "incroyable tragédie" débute au Pays Basque. Mais il n’y a que de faibles échos aujourd’hui (JPB du 27 mai dernier). L’Utile est un navire qui fut construit à Bayonne en 1758 pour le compte de la Marine royale française, en pleine Guerre de Sept ans, sous la direction de Geoffroy et Mivesson. La Compagnie des Indes Orientales en fait l’acquisition l’année suivante. C’est cette même société qui en sera l’armateur, via son correspondant local le Béarnais Jean-Joseph de Laborde, également banquier de Louis XV. Le peintre Joseph Vernet, en mission royale pour réaliser des peintures des ports de France, immortalisera ainsi celui de Bayonne en représentant notamment L’Utile et L’Adour y larguant les amarres.

Ce navire de 800 tonneaux n’est pourtant pas à proprement parler un navire négrier. Officiellement. Parti en novembre 1760, c’est "clandestinement" que L’Utile se charge en esclaves à Madagascar pour aller à l’île Maurice. Auparavant, le trois-mâts, doté de 30 canons, aura fait une escale de plusieurs semaines à Pasaia (Gipuzkoa). Pour échouer en juillet 1761.

Le navire est commandé par Jean de Lafargue, capitaine de brûlot, avec un équipage de 150 personnes. Des marins en provenance de Bretagne, et du Grand Sud-Ouest. Dont un bon nombre du Pays Basque, avec des Pierre Cruchet, Joseph Elissade, Martin Darlas, François Laffite, un Lassalle, un Cazenave,...

Bernard Harnie-Cousseau, généalogiste a consacré à l’équipage un article voici quatre ans dans le Bulletin de l’Association Généalogie et Histoire des Familles - Pays Basque et Adour Maritime n°45, qui porte sur 70 membres de l’équipage. Ses recherches lui ont permis de retrouver "deux à trois descendants à Tarnos". B. Harnie-Cousseau a été contacté par Max Guérout pour participer à ce programme de recherche parrainé par l’UNESCO. Il a ainsi participé à Paris à la conférence de lancement du programme "Esclaves oubliés" en avril 2004. Contre cet oubli, localement, le généalogiste mentionne un article dans la presse régionale et un autre dans le magazine municipal de Bayonne.

Plutôt maigre en impact local d’un projet international. Bernard Harnie-Cousseau ne désespère pas pour autant. Il estime que l’idée de réaliser un film pourrait avoir quelque soutien des autorités locales, maintenant qu’une nouvelle expédition est en cours dans l’île.

Si nombre de chercheurs, d’associations, mais aussi d’écoles (de Bretagne, de Marseille, de la Réunion) participent à ce programme de l’UNESCO, localement on ne compte que la collaboration et bonne volonté du généalogiste. Cependant, Marie-Josée Thiel, en charge à l’UNESCO du suivi et du parrainage du projet, souligne que "nous serions ravis que la mairie de Bayonne participe au projet". Comme appel du pied plus direct, ça ne se fait pas.


 
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