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Le JPB > Pays Basque 2006-04-28
Jean ZIN / Ecrivain et militant de l’écologie politique
« La Décroissance n’estpas une simple réduction »

Travailler et consommer moins ou autrement ? est le thème de la conférence de Jean Zin qui ouvrira demain matin la cinquième édition du Forum social du Pays Basque, samedi 29 avril à 9h30 à l’IUT Darrigrand (voir aussi p.13). L’auteur de L’écologie-politique à l’ère de l’information, (éd. è®e, 2006) développe un point de vue critique sur l’idée de décroissance, et défend l’idée d’un revenu garanti pour sortir de l’horreur économique.

Militant et intellectuel de l’écologie politique vous ne semblez pas souscrire à l’idée de "décroissance", point de vue original uniquement défendu à gauche par les écologistes face aux défenseurs de la croissance pour résoudre pratiquement tous les problèmes, dont celui de l’emploi...

Je suis persuadé de la nécessité d’une décroissance matérielle, seulement je ne pense pas qu’on y arrivera par une simple "réduction" (du temps de travail, de la consommation, de la population) alors qu’il faut changer de système, sortir du productivisme, donc proposer non pas une décroissance illusoire de la société de consommation mais une alternative politique avec une économie relocalisée et recentrée sur le développement humain. Il me semble indispensable de privilégier le qualitatif sur le quantitatif et ne pas se contenter d’une image inversée de la croissance mais si je milite pour un dépassement de la décroissance, cela n’enlève rien à sa nécessité. Je m’oppose surtout aux conceptions moralistes et individualistes de la décroissance (genre "simplicité volontaire") au profit d’une conception politique et collective de l’organisation sociale et de la production à l’ère de l’information.

L’alternative écologiste s’identifie en grande partie avec l’altermondialisme qui se caractérise bien par la revendication d’une économie relocalisée et du développement humain, mais il faudrait tenir compte un peu plus de notre entrée dans l’ère de l’information et du devenir immatériel de l’économie (informatique, services, culture), si différente de l’ère énergétique et industrielle qui s’achève. C’est par le revenu garanti et le développement des activités autonomes (hors salariat) qu’une décroissance matérielle peut être obtenue bien plus sûrement que par une réduction du temps de travail qui ne ralentit en rien la croissance marchande.

Il est urgent pour les écologistes d’avoir un projet concret d’alternative à proposer au-delà du slogan, même s’il a son utilité pour dénoncer le caractère insoutenable de notre mode de développement (ce que la croissance chinoise rend tangible avec des tensions sur toutes les matières premières, pas seulement le pétrole).

Vous avez défendu, notamment au sein des Verts, l’idée d’un revenu garanti. Comment se situe celle-ci entre la revendication portée par les syndicats du parcours professionnel sécurisé ou celle des jeunes refusant l’idée d’un contrat de travail précaire et spécifique ?

J’ai quitté les Verts depuis, mais j’avais participé effectivement à l’introduction de la revendication d’un Revenu Social Garanti pour tous (de 75% du smic) dans le programme des Verts. La garantie du revenu est de moins en moins assurée par les Assedic mais on ne peut dire qu’elle est inexistante, elle est à la fois dispersée en multiples segments (retraite, chômage, intermittents, travailleurs pauvres, RMI, jeunes, allocations familiales, etc.) et surtout dramatiquement insuffisante, condamnant à la misère un nombre croissant de nos concitoyens alors qu’il y a un chômage de masse et que la précarité ne cesse de s’étendre (plus personne n’est à l’abri, on commence à le savoir).

Un revenu garanti plus décent ne serait donc pas si différent de la situation actuelle, il n’empêche que cela apparaîtrait comme une véritable révolution, d’abord dans les représentations (ce qui est le plus difficile). Cela constituerait, en effet, un véritable droit à l’existence et à l’autonomie financière permettant de passer du travail forcé au travail choisi, une nouvelle conquête sociale et démocratique comparable à l’abolition de l’esclavage. Comme l’abolition de l’esclavage, ce qui devrait imposer le revenu garanti pourtant c’est surtout l’évolution économique, le développement des nouvelles forces productives intellectuelles et du travail autonome.

On peut dire que personne n’en veut, ni les politiques, ni les syndicats qui accusent de tous les vices ce qu’ils qualifient d’assistanat (comme si les familles n’assuraient pas ce revenu vital lorsqu’elles le peuvent, renforçant ainsi dramatiquement les inégalités!). Ce sont les faits qui insistent et obligent à reconsidérer la question du revenu garanti. Ainsi l’idée de "sécurisation du parcours professionnel" est une bonne idée mais elle a l’inconvénient de renforcer la sécurité des plus intégrés avec le risque de laisser sur le bord de la route les plus fragiles. Si on veut arrêter le développement de la misère et la destruction de compétences, il faudrait reconnaître le caractère universel du besoin de sécurité et d’un minimum d’autonomie financière!

La mobilisation contre le CPE était une lutte contre la précarisation de la société mais ce n’était pas la revendication d’un emploi garanti pour tous comme on l’a prétendu (même si en France on a toujours aimé être fonctionnaire, Alphonse Allais disait déjà les Anglais tous actionnaires, les Français tous fonctionnaires...). C’était plutôt la résistance à la destruction de nos protections sociales et la dénonciation d’une arnaque (sans parler de la méthode monarchique) car on appelait "flexécurité" une flexibilité sans véritable contrepartie, bien loin du modèle scandinave.

La fonction publique doit certes garantir l’emploi (ce qui ne veut pas dire le figer) mais ce n’est plus le cas dans une production de moins en moins industrielle à l’ère de l’information. Il faut prendre la mesure de cette rupture de civilisation, on ne reviendra pas en arrière. Dans cette nouvelle économie caractérisée par une très grande fluctuation de la demande, la lutte contre la précarité des emplois marchands ne peut aller bien loin. La préservation des emplois se révèle même souvent extrêmement contre-productive à plus long terme pour les droits des employés eux-mêmes. Ce qu’il faudrait plutôt c’est assurer la continuité des revenus et du statut professionnel, comme pour les intermittents du spectacle. C’est une mesure indispensable pour tous les créatifs, artistes ou nouveaux artisans de l’économie de l’avenir.

Vous vous définissez comme un écologiste révolutionnaire, marxien (et non marxiste) puisant dans la philosophie hégélienne et la psychanalyse. Pouvez-vous expliciter davantage comment vous envisagez le changement social.

Je me définis comme écologiste révolutionnaire car je suis persuadé que le réformisme ne suffira pas pour faire face aux contraintes écologiques, qu’il faut changer de système et d’institutions. C’est aussi parce que la démocratie participative exige un "citoyen révolutionnaire" (au sens de Castoriadis ou de Kojève) qui se mêle de ses affaires et fonde la légitimité démocratique. Ce pouvoir constituant des mobilisations sociales n’a rien à voir avec une révolution communiste autoritaire et violente. Non seulement je n’ai jamais été léniniste (qui est une sorte de blanquisme) mais j’ai toujours combattu le totalitarisme marxiste et son dogmatisme criminel.

On ne peut se passer pour autant des analyses que Marx a faites du productivisme capitaliste et je suis persuadé de la nécessité de s’inscrire dans l’histoire de la philosophie. Ce n’est pas pour en rester à Marx et au XIXe siècle alors que tout a changé, mais pour donner une base théorique solide à l’écologie-politique dans une ligne qui va de Hegel à Marx (jusqu’à Guy Debord, entre autres). La dialectique est indispensable à l’écologie ainsi que pour comprendre les renversements historiques manifestant le négatif de tout positif. La psychanalyse lacanienne, elle-même très influencée par Hegel et Marx, a notamment l’intérêt de montrer que "seule la vérité est révolutionnaire" et que les symptômes ne peuvent se résoudre que par l’expression du négatif (le contraire de la "pensée positive"). Ces instruments critiques et ces connaissances accumulées me semblent indispensables à la transformation de la société hors de toute utopie. C’est de continuer sans rien faire qui serait complètement utopique.


 
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